Regards

La Voie Lactée d’Emir Kusturica.

Par Pascal Aubier

Moi, Emir Kusturica, je vais voir tous ses films. Tous. Depuis le premier, je me souviens : Te souviens-tu de Dolly Bell ? Oui, je m’en souviens parfaitement. Sarajevo, la Yougoslavie, le rire et l’imagination si féconde… Et puis tous derrière, Papa est en Voyage d’Affaire et le merveilleux Underground. Et vous ?

Vous vous souvenez ?

Bref on a couru.

Mais bon, dommage.

La principale mauvaise idée de Kusturica c’est de s’être choisi pour le rôle principal. Idée répandue, idée reçue. Dangereuse idée. Surtout quand on est un metteur en scène balaise, un entrepreneur, un politique, un Yougoslave et un bâtisseur. On perd son humour. Personne, ni l’opérateur ni personne sur le plateau n’ose dire au metteur que son moi-acteur est nul. Et il est nul avec son air timide, son âne, son lait et son serpent. Dommage, dommage.

Pendant tout ce temps, la guerre gronde et les traîtres trahissent. La guerre de Yougoslavie ne s’est jamais vraiment arrêtée. Les 0ccidentaux (nous) ont terriblement participé à défaire ce pays, à en tuer les jeunes et les moins jeunes, à recréer des Balkans à la con pour se débarrasser du Communisme. Comme d’habitude, on jette le bébé avec l’eau du bain. Réflechissez…

Bon, pour en revenir à Kusturica, l’homme, il a du avoir envie de se faire Monica Bellucci. Enfin, dans le film bien entendu, mais justement, c’est ça l’apothéose, prendre la plus belle dans ses bras, la faire tourner, tourner, descendre les cascade, s’envoler des arbres, bref. Une saga de fins de film. De tas de fins, revisitées, imaginées au milieu de la nuit, explosées, avec Monica Belluci. Qui me dit-on, a été mariée à un acteur français dont j’ai bien connu le père, un type charmant.

Comme il a beaucoup, beaucoup de talent, Kusturica, il a des idées de fin, superbes. Mais trop nombreuses peut-être. Cela n’en finit pas.

Une faiblesse, Émir. Une faiblesse. Et c’est bien dommage. À part ça, il y a des moments croustillants, grandioses. L’autre fille (forcément amoureuse du laitier), Sloboda Manojilovic est très belle, elle aussi et même plus intéressante, une Serbe gymnaste comme les communistes savaient les faires, une battante, une drôle, une délurée. Il préfère Monica, qu’est-ce que vous voulez, on n’a pas d’arguments à ce stade.

Son acteur fétiche, Predag Manojlovic, qui ici tient le petit rôle du fiancé par correspondance de Mlle Bellucci, est borgne et finit grillé comme un toast. Seul son œil de verre a résisté. Belle image. Et tout le monde boit et chante et danse, ce qui est exquis. Bien entendu vous devez aller voir ce film, car avec ses défauts sus mentionnés, il reste bien meilleur que la plupart des choses que l’on nous propose sur les écrans.

En ce moment on n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent.

Allez donc acheter les DVD avant qu’ils disparaissent, des grands films des grands auteurs, Iosseliani par exemple, Kurosawa, de Sica et Fellini. Vous vous souvenez de Miracle à Milan ? Une vraie merveille…