Regards

Le Redoutable

Par Pascal Aubier

Le Redoutable, un film de M. Hazanavicius, un joli nom Lithuanien, si je ne me trompe. Je crois avoir vu l’un de ses films, L’Artiste, avec cet acteur qui me fait beaucoup rire (Dujardin). Ce metteur en scène est, semble-t-il, marié avec Bérénice Béjo qui est belle comme tout et a un côté Amérique du Sud qui me va très bien. Elle joue aussi dans le film le rôle de Michèle Rozier que j’ai connue autrefois et qui habitait un appartement jardin devant le Sénat. Qui était l’amie de Godard et des Cournot. Bref.

La surprise de ce film, grosse surprise, c’est Louis Garrel qui campe Jean-Luc Godard soi-même. Carrément. J’allais voir ce film à reculons. Le livre d’Anne Wiazemsky m’avait un peu irrité alors que je m’étais senti si bien avec les autres. Trop d’intimité dévoilée selon moi qui les connaissais bien dans la vraie existence. Ma propre pudeur. Mais la surprise c’est la légèreté du film, sa simplicité et son humour qui n’est pas étranger à Godard, celui-là. Et Garrel est soufflant. Et drôle.

Sans ostentation. J’entends des gens qui se révoltent du pastiche, de la farce qui mettrait à mal un Godard pourtant endurci. Je ne vois pas là un crime, ni de lèse-majesté (dont on se fout) ni de mauvais goût (dont on se fout moins). Godard, de tout temps et surtout de ce temps-là, a été un fameux rhétoricien, un homme de formules et de mots-qui-tuent. Souvent a très bon escient (Les Professionnels de la Profession) parfois à l’emporte-pièce, mais d’une cohérence et d’une intelligence brillantes. Toujours. Et dans le film on est servis et séduits par cet homme qui ne s’aime pas, qui a du mal à aimer, mais qui innove en tous genres.

L’autre bonne idée c’est la jeune Stacy Martin qui joue à Anne Wiazemsky. Je dis “jouer à” car ici non plus on ne force pas le trait, sur la ressemblance et tous les artifices auxquels on peut s’attendre. Stacy est brune et jolie. Un peu de la façon dont l’était Anne la Vénus Rouge, discrètement. Sa présence dans le film est légère et belle, le couple existe et je n’ai pas senti d’intimité dévoilée outre mesure.

Cournot aussi est formidablement campé par un acteur qui ne lui ressemble en rien. La scène du retour de Cannes en voiture en 1968 est très, très amusante. Le film n’est pas prétentieux, l’époque n’est pas ridiculisée et les protagonistes s’en sortent parfaitement. Merci, donc. Allez donc le voir sans tarder.