Les Obsidiens en mouvement – Josette Rispal

La grotte mystique Par Cybèle Air

Les Chiffonnettes ou les Boîtes de Josette Rispal nous invitent au voyage intérieur : celui dont Proust disait qu’il est « un dur labeur d’approfondissement ». A l’éclatement dans l’espace si souvent imposé dans le monde contemporain, et même dans l’art, cette proposition d’un recentrement saisit tout amateur ou visiteur qui pousse la porte de la Galerie au nom évocateur : «  Les Yeux Fertiles ». Ce recentrement sonne comme un appel archaïque, lointain et silencieux, comme un appel impérieux, mystérieux, sérieux, décisif et salvateur. Les enfants entendent dans cet appel une réponse à leur désir de reconnaissance et de construction d’un soi. Les adultes retrouvent avec délice, et comme pris au dépourvu, leur âme d’enfant.

Josette Rispal l’énonce précisément et parle de « l’homme intérieur ». C’est l’homme intérieur qui l’intéresse, qu’elle met en espace, qu’elle objective dans ces êtres de tissus souvent chatoyants et ornés. Ces êtres ont la consistance des rêves, libres des couleurs, des associations de textures et d’objets, mais en même temps, ils sont comme la projection de notre propre être intérieur qui prend corps devant nous. Chacun choisira la sienne, les siennes, sa « Chiffonnette » : des sculptures mouvantes et émouvantes, florales, baroques pour certaines, plus austères pour d’autres.

Des miroirs petits et ronds comme des yeux mettent en œuvre cette réflection. Proust encore : « En réalité, chaque lecteur est quand il lit le propre lecteur de soi-même. L’ouvrage de l’écrivain n’est qu’une espèce d’instrument d’optique qu’il offre au lecteur afin de lui permettre de discerner ce que sans ce livre, il n’eût peut-être pas vu en soi-même ». Les piécettes-miroirs des Obsidiens de Josette Rispal nous réfléchissent et suscitent ce retour à soi. C’est une espèce d’instrument d’optique inédit qu’a mis au point cette artiste tout à fait hors du commun, et totalement nécessaire en ces temps d’errance éclatée.

Saint Augustin et l’homme intérieur des « Confessions » ne sont pas loin_ même si aucune mention explicite n’est notifiée. Aussi le dispositif en forme de grotte mystique de toute la galerie est-il tout à fait cohérent avec le travail de l’artiste. « .. les vrais livres doivent être les enfants non du grand jour et de la causerie mais de l’obscurité et du silence » écrit encore Proust dans « Le temps retrouvé ». Cette obscurité de la grotte constitue ici l’écrin qui rend possible pour chacun, de retrouver le sens du temps.

Josette Rispal
Les Obsidiens en mouvement
Galerie Les Yeux Fertiles
27, rue de Seine Paris VI
5 décembre – 17 janvier 2015