Regards

Tadeusz Kantor

Par Henri-Hugues Lejeune

Tel que je l’entends, le chroniqueur est l’homme qui se préoccupe du temps, qui s’inquiète de savoir ce que nous en faisons comme de ce que le temps fait de nous.
Comment mieux faire que de placer cette poursuite sous la puissante invocation de Tadeusz Kantor.

Né à Wielopole en 1915, il aura été l’un des créateurs du théâtre moderne s’il en fut.
Et pourtant, ce théâtre, il l’a créé aussi bien à Cracovie qu’à Paris en 1947 comme à New York de 1965 à 1970.
Il a triomphé à Nancy en 1975 au Festival Mondial avec « La classe Morte » aussi bien qu’au Festival d’Avignon (Ô Douce Nuit) en 1990.
Avec « Wielopole Wieleopole » en 1980 il crie le nom de son village natal sur la scène désormais vide à jamais.
Car les pièces qu’il écrivait n’étaient pas des pièces elles étaient sur le théâtre la révélation de sa présence et de sa mort, comme de la nôtre.
Il nous a appris que la scène est la projection d’un espace intérieur, où les parades de cirque se succèdent sans avoir de cesse, qui nous passent sur le corps.
L’entrée d’un acteur sur la scène, comme notre propre entrée en ce monde signe sa condamnation à mort, cet acteur qui ne peut être que l’objet d’un mise en scène implacable.
Dans « La Classe Morte » chacun de ses camarades d’enfance portait sur son dos l’enfant qu’il fut et qu’il a laissé mourir.
Art minimal, Pop Art, Happening? Cérémonial?
Toujours est-il qu’il mourut en 1990 à peu près comme le fit Molière après une répétition de « Aujourd’hui c’est mon Anniversaire », et que la scène, qu’il ne quittait jamais au cours d’un spectacle est maintenant vide pour toujours.