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Adieu au Langage (2)

Par Pascal Aubier

Je n’ai pas encore vu ce Godard. Je me suis cassé le pied en moto, il faudrait presque me porter. On va me porter d’ailleurs, je ne puis attendre plus longtemps comme dans ce poème sur l’aube de ce bon monsieur Hugo.

C’est étrange comme les gens évoquent Godard de nos jours. Comme s’ils avaient peur d’y toucher, peur de dire une connerie, peur de passer près de quelque chose sans la voir, peur de leur incompréhension probable. Et ils ont probablement raison d’avoir peur ; moi même j’ai peut-être peur. Qui sait si cet accident de moto n’est pas tout simplement un acte manqué?

En tous cas, peur ou pas j’irai. Rien que le titre me sonne dans la tête comme un glas de campagne. Je passe mon temps à m’éberluer devant la propension incroyable qu’ont les gens de nos jours à abandonner le langage au nom de la communication. Le paradoxe est de taille. Et la rue qui grouille de gens à pied (les piétons), en vélo ou en voiture, le portable à l’oreille au mépris de tout autre rapport (sauf à l’accident qui survient sans qu’on l’ait vu), c’est éblouissant, non ? Éblouissant dans le sens d’être ébloui par trop de lumière, au risque de retomber dans le noir. J’imagine que Godard doit dire des trucs bien balancés à propos de tout ça et de bien d’autres choses encore que je m’en vais découvrir rapidement. J’imagine, mais ne sais pas. Godard est un poète magnifique. Qui manie le langage précisément, aussi bien que les images et les sons qu’il mélange depuis bientôt soixante ans. Poète tribun, surtout poète. Les Grecs appelaient poiêtes (dérivé de ποιέω, poiéô ‘faire’). Ceux qui travaillaient, les ouvriers, les fabricants, les artisans, les artistes ; tous des poètes donc. Cela va de soi. La terre n’est pas si ronde. Allons donc au cinéma. Et non les yeux fermés. Il paraît que le film est en 3D. Je n’en ai jamais vu moi, des films en RD. Quel régal.