Regards

Marguerite suivi de La Isla Minima

Par Pascal Aubier

L’automne est là, on retourne au cinéma avec bonheur. Tout l’été, ici ou là, on a regardé des films à la télévision, en DVD et toutes ces sortes de choses qui visent l’obsolescence rapide et, il faut bien le dire, c’est un pis aller extrêmement frustrant. Comme de regarder la toile d’un peintre sur un polaroïd. Cela ne fait pas plaisir au peintre, cela est terrible aussi pour le cinéaste. On peut comprendre, non ? Aussi aller au cinéma, dans une salle, avec un grand écran et du monde autour de soi, c’est tellement réconfortant, quoiqu’il soit désormais presque impossible – hors la cinémathèque -, de voir les films sur leur support original, la pellicule. Y compris dans les salles ou tout est virtuel, HD et que sais-je encore…

Ce n’est pas si mal, mais ce n’est pas mieux. Bon, on ne va pas recommencer à se plaindre. Et quand les films sont bons, on est content. Des films, il y en a des dizaines qui sortent chaque semaine, sans compter les reprises. Pas tous bons, certains carrément mauvais, mais parfois il arrive qu’on tombe sur des bijoux.

Marguerite

Alors nous y voilà. Marie-Madeleine nous a dit d’aller voir Marguerite. Marie-Madeleine est très entière dans ses goûts. Elle est un peu mélancolique aussi. Mais comme on aime beaucoup Catherine Frot on ne vérifie pas, on y va. Catherine Frot est une très bonne actrice, une dame rare et précieuse. Malheureusement une bonne actrice ne suffit pas à faire un bon film. Le réalisateur Xavier Giannoli nous entraîne dans une histoire minuscule étirée comme un vieil élastique. Pourquoi une histoire minuscule ? Parce qu’elle se réduit à cette seule idée : une femme (très riche) chante très faux et ne s’en rend pas compte. En gros c’est l’histoire de Florence Foster Jenkins à qui le mari (très riche) offrira en 1944 le Carnegie Hall de New York pour un seul récital fatal. Orson Welles s’était inspiré de cet évènement pour une ou deux séquences de Citizen Ken. Et c’était très bien. Revoyez vite ce film. Giannoli quant à lui étire, étire sans rien développer d’autre que le chanter faux et la cupidité de ceux qui entourent la pauvre dame riche qui se prend pour une Diva.

Hélas ces personnages autour de Marguerite, sont à peine ébauchés. Les situations, les relations qui se nouent sont vite oubliées ou repêchées au dernier moment. Les acteurs ne sont pas mauvais, mais le manque d’épaisseur qui est donnée à leurs personnages nous les font oublier sitôt apparus. Sauf peut être, en dehors de notre Catherine Frot, Denis Mpunga, impressionnante présence Africaine dont je n’ai pu comprendre tout à fait qui il était dans cette pauvre histoire et Michel Fau, le professeur de chant, qui retirent un peu leur épingle du jeu sans échapper malheureusement à la caricature générale. A la caricature de la mise en scène, du scénario, qui rend tout fade alors qu’on en met et remet des kilos dès qu’on peut. Cela en devient exaspérant.

Quand on commence à oublier le film tant on remarque les trucs éculés et les effets loupés, c’est qu’on décroche sérieusement. Je suis triste pour les acteurs, les techniciens qui se sont défoncés de leur mieux. Ce film est un regret.
Heureusement, il ya des tas de salles avec des tas d’autres films.

La Isla Minima

Là aussi un sombre ami nous l’avait recommandé et cette fois ce fut totalement réussi. La Isla Minima est un film Espagnol réalisé par Alberto Rodríguez avec Javier Gutiérrez et Raúl Arévalo pour l’essentiel. Un polar, en Andalousie dans le paysage incroyable des marais de l’estuaire du Guadalquivir. Tous à vos cartes. Le scénario est bien ficelé, on n’a pas le temps de s’ennuyer, mais le festin ce sont ces deux acteurs, Guitierrez et Arevalo, le méchant et le gentil. Le film se joue du genre américain avec un éclat espagnol qui rend tout plus profond, dans le fond. On sent à travers la rivalité/camaraderie des deux flics enquêtant sur les meurtres sordides de deux jeunes adolescentes réputées « faciles », le poids du franquisme ordinaire tout proche à peine tourmenté par la jeune démocratie arrachée de justesse. Guitierrez, l’ancien facho pas trop troublé est impressionnant. Plus jeune et gauchisant convaincu, Arevalo est séduisant. Pour dire vite. Mais l’intérêt du film est que ces qualités désignées s’échangent entre les deux hommes selon les engagements. On n’est pas là pour raconter le film, vous pouvez lire Télérama, mais je serais peiné que vous n’aimiez pas aller voir cette sale histoire sur ces simples recommandations.

Et puis, en s’accrochant beaucoup aux programmes abscons du style 11 h 30 le jeudi matin 15 h 20 le dimanche, nous avons réussi, Sophie et moi – nous sommes mariés depuis peu – à aller voir Les Nuits Blanches du Facteur d’Andreï Mikhalkov-Kontchalowsky. Nous vous parlerons de cette merveille dès demain.