Lettres

Billet d’hiver – 23 décembre 2018

Par Jean-Paul Guedj*

Les idées jaunes

Désormais, on pense jaune, on voit jaune, on rit jaune. On pense jaune : c’est-à-dire un peu triste, un peu vieux, un peu jaune ou jauni, comme le monde ancien qui se rappelle bruyamment à nous, à moins que ce ne soit le nouveau qui ne jaunisse déjà un peu.  On voit jaune, souffrant soudain de xanthopsie, maladie due à la cataracte ou peut-être, sait-on jamais, au réchauffement climatique qui s’accélère. Tout se mute ainsi en jaune, pour le meilleur et pour le pire, la lune (mais qui l’était déjà), notre écran Night Shift (blanc le jour), les guirlandes et le foie gras de ces fêtes de fin d’année, les forêts jadis vertes, nos gilets (sans commentaires). Enfin, on rit jaune, les zygomatiques un peu tendus, en se demandant si les cocus de l’Histoire – eux toujours jaunes – paradent devant nous ou si l’on en fait partie.

*Jean-Paul Guedj est écrivain et poète. Il vient de publier « Forme Bleue » aux éditions SCUP et « Assaisonnade » aux éditions Saisons de Culture.