Portraits

Ludwika Ogorzelec : Les portes du ciel

Par Mylène Vignon

Ludwika Ogorzelec nait et grandit à Wroclaw en Pologne, où elle restera jusqu’à l’âge de trente-deux ans après avoir passé brillamment sa maîtrise à l’école des Beaux-Arts. Elle orientera son itinéraire artistique autour des sculptures mobiles, de la recherche dans l’espace et de la question de l’équilibre. Parallèlement à ses études, la jeune femme prendra tous les risques en s’engageant dans le mouvement Solidarité combattante, pour l’indépendance de la Pologne où elle deviendra une sorte d’égérie. Elle distribue alors des journaux indépendants, tout en fréquentant les amphithéâtres.

Elle rêve de Paris pour aller à la recherche d’une confrontation avec les autres artistes.

En Pologne, au début des années quatre-vingt, les artistes engagés étaient autorisés à Partir, considérés comme nuisibles à l’ordre public. Elle arrive donc chez des cousins à Paris, où durant un an elle va s’employer à décorer leurs intérieurs.

Elle s’inscrit alors à l’académie des Beaux-Arts de Paris où elle rejoint d’autre polonais réfugiés politiques. Une rencontre avec Jean-François Duffau, devant l’atelier de César qui résidait à l’académie, va changer sa vie. Il lui propose d’intégrer l’atelier. Ludwika visitera quelques autres ateliers, mais reviendra, attirée par la très grande liberté qu’elle ressent chez César. Duffau, assistant de César, prix de Rome, devient donc son professeur et l’invite à réaliser son programme. Ainsi, elle travaille à ses structures en bois, dans l’atelier annexe de César.

Elle me confie que grâce à cette référence aux effets magiques, elle a réussi sans trop de difficulté à reconduire ses visas.

Parallèlement, elle fabrique pour une entreprise, des petits soldats de plomb.

Commence pour elle une série d’expositions parisiennes : Salon Belles sculptures, salon d’automne, pour lequel elle crée une grosse pièce qu’elle sera autorisée in fine à suspendre au pavillon des architectes. Réalités nouvelles, invitée cinq fois consécutives, comparaison, au Grand palais.

Elle partira comme artiste en résidence aux Etats Unis, d’où elle reviendra élaborer un projet pour la FIAC, qui malheureusement ne verra pas le jour, en raison de la crise : la sculpture ne se vend pas, lui dira-t-on, alors. En Amérique, elle est bien acceptée et peut s’exprimer en toute liberté. Elle aime les discussions où l’on peut toucher des sujets sérieux. Ce sera une période heureuse.

Depuis, elle se sent vagabonde, comme une sorte de citoyenne du monde, parcourant la planète à la recherche d’un morceau d’espace à cristalliser. La Suède, la Corée du sud, le Viêt-Nam, la Pologne, le Japon…sont le théâtre de ses nombreuses et sublimes réalisations. L’atelier parisien où elle vit actuellement est sa vingt-septième adresse. Elle se pose la question de ce qu’elle doit faire, mais ne planifie rien pour se donner la chance de vivre une grande chance.

Son souci actuel réside dans le manque de reconnaissance en tant que chef de file de son art. Aujourd’hui, elle constate qu’elle est plagiée et que jamais elle n’a posé ses cristallisations dans un lieu officiel à Paris. Depuis plus de 30 ans, elle signe un travail éblouissant et très sérieux. Chaque pièce « Cristallisation de l’espace» est une action artistique qui fait l’objet d’une recherche scientifique très élaborée, qui intéresse les architectes et les physiciens.

Elle réalise elle-même ses sculptures, souvent grimpée sur une nacelle dans des situations inconfortables.

L’œuvre de Ludwika Ogorzelec, est une seule ligne qui se poursuit au fil du temps.