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L’exposition Noir, Blanc, Bleu. Sophie Sainrapt

Propos recueillis par Mylène Vignon

Depuis la Renaissance, le nu féminin a longtemps été un genre pictural réservé au regard masculin posé sur les femmes, tantôt allégorique, tantôt sublimé, ou encore érotisé. Sa représentation s’émancipe au XXe siècle où il est dépeint avec des visions plus complexes jusqu’à sa réappropriation par des artistes femmes dans l’art de la performance et des mouvements féministes au XXIe. Sous des gestes vifs, des lignes généreuses et un traitement jubilatoire de la chair, le nu féminin prend une dimension expressive chez Sophie Sainrapt dans ses grands dessins marouflés sur toile.

Noir, Blanc, Bleu, le titre de l’exposition indique trois séries tel un triptyque chromatique, intitulées respectivement, « femmes guadeloupéennes », « femmes méditerranéennes » et « femmes africaines ». Si l’on pourrait y entendre une connotation orientaliste ou exotisante, les nus de Sainrapt ne sont ni lisses, ni lascifs, ni mis en scène. Dans la manière de les dépeindre par des gestes saisissants et vifs, les corps volumineux et sensuels semblent s’émanciper par une présence assumée et débordante qui échappe à la convoitise masculine comme seule issue.

Par une jubilation gestuelle qu’on devine devant ces grands formats, l’absence de décor et le débordement de la chair au-delà du cadre, les corps exultent à coups de giclures, de tâches, de grattage, de lavis, où les traits insistants cohabitent avec des courbures fuyantes, comme pour défaire le dedans du dehors du corps. Les gestes sont vibrants, aventuriers, quasi-instinctifs, comme si l’artiste tentait de restituer un en-deçà de la figure féminine, pour laisser place à une essence sensuelle et brute, cherchant à restituer l’instant de l’irruption de la présence des modèles dans son atelier. C’est que Sainrapt saisit la charge agitée de la chair exubérante, traversée d’histoires, mais aussi d’opacité. Car ces femmes se montrent sans s’offrir pour autant, s’exhibent sans verni, respirent leurs formes, dans le bleu outremer conjugué au noir et blanc d’un triptyque, tantôt de face, tantôt de dos, ou dans le blanc de la chair giclé de nuances de gris, où la tête est absente, là où la vulve ou la raie des fesses suggèrent un infini.

Ces nus sont accompagnés de peintures et d’une gravure de la série « Mondes magiques ». Sophie Sainrapt s’inspire des expressions artistiques des sociétés non-occidentales, particulièrement, l’art funéraire Sakalava à Madagascar alliant les figures d’Eros et Thanatos ou encore des sculptures érotiques de femmes et d’oiseaux sur les tombes des ancêtres. Là aussi la dimension érotique habite ses œuvres, rendant hommage à l’art funéraire malgache qui conçoit l’amour et la mort comme inséparables, liant les vivants aux ancêtres et l’œuvre d’art comme médiatrice d’une expérience esthétique et d’une fonction sociale, indissociable du rituel, porteuse d’un imaginaire chargé de sens.

 

Moufida Atig commissaire de l’événement

 

Rare Galerie organise exceptionnellement une journée de la femme, consacrée à Sophie Sainrapt le 8 mars 2023

 

17 rue François Miron Paris 4ème