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Le peintre métaphysique : Stéphane Fromm

Par Sergiusz Chądzyński

Dès la première rencontre avec les tableaux de Stéphane Fromm, j’ai eu l’impression de communier avec l’un des poètes métaphysiques anglais, tel John Donne ou Georges Herbert , pourtant des siècles nous séparent d’eux, sans parler d’une autre discipline de l’art.  Néanmoins, dans la nature de ce que cette peinture exprime, j’ai ressenti des similitudes, une cadence, une sensualité.  Je l’ai perçu de cette manière il y a quelques années. À la lecture des textes  consacrés à Stéphane Fromm et au vu de certaines oeuvres  j’ai compris quelle importance ont pour lui  les  liens entre les mots et les images.  Sans chercher à définir ce qui s’exprime visuellement, j’ai senti que l’artiste distinguait les frontières entre ces deux univers.  Par conséquent, ses peintures ne sont pas des illustrations de la poésie  de Paul Celan ou de George Trakl, mais plutôt une continuité et une tentative d’instaurer un dialogue.

Le peintre travaille sur des séries, comme en témoigne le même titre donné à de nombreux tableaux. Chacun raconte sa propre histoire, mais seule la série entière les noue dans une structure polyphonique. Certes, il faudrait acheter toute une collection pour lire l’œuvre entière, car elle n’est  jamais fermée , toujours prête à raconter une histoire ou juste donner un commentaire sur elle-même.

Stéphane Fromm crée, comme tout artiste,  sa propre histoire du monde et il sait parfaitement en tant que démiurge qu’une œuvre éparse donnera, quand on contemple un de ses fragments, un beau reflet de l’ensemble, et chaque acquéreur   d’un tableau sera en quelque sorte un archéologue découvrant les fragments de Troie et de Mycènes.  Peut-être qu’une telle approche de l’art résulte d’études de philosophie et d’une lecture assidue des textes.  Bien que, d’une manière ou d’une autre, elle discipline l’artiste, elle ne peut pas restreindre sa nature libre et créative qui repousse les limites de l’imaginable.

La Galerie Convergences invite Stéphane  Fromm pour la deuxième fois du 10 au 26 juin.  En 2019, elle a déjà exposé ses œuvres et la preuve en est un excellent catalogue avec le texte de Denis Martin, lui-même peintre.  Aujourd’hui, nous pouvons voir les tableaux créés principalement au tournant des années 2020 et 2021. Michel Mathieu, l’auteur des textes du livre qui accompagne cette exposition, a interviewé l’artiste en avril de cette année.  Cette interview décrit clairement les changements en cours.

Dans ta future exposition à la Galerie Convergences, prévue pour juin 2021, tu vas montrer de nouvelles formes-souches; je constate qu’elles sont plus colorées que les précédentes, ou peintes sur des fonds plus clairs, flottantes, et parfois dérivantes comme des planètes, en somme libérées. Il y aura aussi, me dis-tu, d’autres formes que tu appelles Clinamen, Allongés, Qui va là.

Stéphane Fromm : Au cœur de l’aléatoire : le Clinamen d’Épicure, cette petite déclinaison m’a toujours fasciné. Pour moi l’aléa n’est pas seulement hasardeux, car il y a en fait beaucoup d’aléas, surtout celui qui retient, qui porte en lui cette petite déviation empêchant de s’installer, et qui ouvre un monde, ou justement une lacune. Les autres, superflus et parfois séducteurs, se doivent d’être enlevés. L’oulipien Pérec voit dans le Clinamen – selon lui LE mot pour la liberté – la variation que l’on fait subir à une contrainte. Je soupçonne la contrainte de jouer un rôle important dans cette histoire. Tu parles de peintures plus colorées et de formes libérées; je commence souvent avec quelques couleurs, et puis dans les épreuves de la figure, le noir prend le dessus, gardant parfois quelques échos. À un moment, pour les « souches », le noir est devenu trop prenant, trop installé, je dirais maintenant : pas assez lacunaire. Il fallait l’entamer. Alors la contrainte d’entamer par le blanc….

Un connaisseur  du travail de l’artiste remarquera probablement d’autres éléments dont la présence montrera avec quelle constance son œuvre  essaie d’explorer la nature humaine,  mais ce qui reste cependant inchangé, c’est l’extraordinaire beauté de ces peintures avec leur mélancolie et leur profondeur.  Il est un peu dommage  que l’exposition ne puisse pas durer plus longtemps.

Stéphane Fromm
Exposition du 10 au 26 juin 2021.Du mardi au samedi de 14 à 18 heures et sur rdv le matin.
https://galerieconvergences.com/peinture/
© Galerie Convergences, 22 Rue des Coutures Saint-Gervais, 75003 Paris
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