Lettres

Un message dans une bouteille

Par Magdalena Kiełbowicz, traduction Krystyna Bourneuf

Depuis trois jours, je me promène avec un casque sur la tête. Tante Ida est arrivée et elle m’a apporté en cadeau un casque de vélo qui ressemble à ceux que portaient les Vikings ! Tante Ida est l’amie de grand-mère Janina. Elle est Suédoise, elle habite de l’autre côté de la mer Baltique, dans un petit village, Karlskrona. Elle-même ne ressemble pas du tout à un Viking, plutôt à la bonne fée du conte de Cendrillon. Mais moi, avec mon casque, je suis la plus grande des guerrières, comme mon fidèle compagnon (Tropchou a reçu le même casque et il l’aime beaucoup, lui aussi).
Quand tante Ida était petite fille, elle a écrit une lettre, elle l’a mise dans une bouteille et la jeta à la Baltique. La lettre était rédigée en suédois et en anglais (sa maman l’avait aidée) et la bouteille était bouchée et cachetée avec de la cire, pour que l’eau n’y entre pas. Durant deux ans, la missive a vogué là où les courants voulaient la porter. Un jour, sur la plage de Dębki, une autre petite fille l’a repêchée. C’était ma grand-mère Janina. Ainsi avait débuté « une amitié éternelle ». Pendant des années, elles se sont écrit, au début avec l’aide des parents. Elles se sont rencontrées vraiment quand elles étaient déjà adultes et depuis elles essaient de se revoir chaque année. Soit grand-mère part en Suède, soit tante Ida vient chez nous. Et alors, ça commence ! Maman dit que c’est « in-des-crip-tible », grand-père Jurek que c’est « de la folie pure ». Elles se couchent à l’aube, elles mangent des glaces au milieu de la nuit, elles regardent toujours les mêmes films et elles pleurent aux mêmes moments. Une fois, elles se sont inscrites à un cours de danse du ventre, une autre fois elles ont demandé à Eliza de leur apprendre à faire du skateboard. Eliza trouve que tante Ida est « perchée », mais que l’idée de faire du skate n’était pas la meilleure. À part ça, les deux font du crochet, discutent, évoquent leurs souvenirs et elles rient beaucoup.
Hier, je suis rentrée à la maison au milieu de l’histoire du message dans la bouteille. Bien sûr que nous la connaissons tous par cœur, mais ça ne fait rien. Pour moi, à chaque fois qu’on la raconte, elle devient encore meilleure. Et ça m’a donné l’idée d’un jeu super. Dans une petite bouteille en plastique, j’ai mis la lettre suivante :

Quiconque lira ces mots
deviendra mon ami pour l’éternité !
Urszula Hernik, écrivaine, observatrice des lions
et directrice d’un jardin zoologique
(dans le futur)

Ensuite, je me suis imaginée que le balcon était une jetée au bord d’un océan. J’envoyais ma bouteille dans l’immensité de la pelouse laquelle faisait semblant d’être de l’eau, puis je dévalais l’escalier, en chemin je me transformais en une petite fille qui se promène sur une plage. Bien sûr, finalement, je retrouvais la lettre dans la bouteille. J’ai descendu et remonté l’escalier six fois, avant que maman m’appelle pour le déjeuner, et comme il y avait des gaufres en dessert, j’ai complètement oublié la bouteille.
Ce matin, j’ai constaté que quelqu’un l’avait repêchée de l’herbe avant moi. Quelqu’un avait VRAIMENT trouvé ma bouteille et l’avait posée sur un banc, dans la cour. En plus, il avait laissé un nouveau message à l’intérieur ! Je l’ai compris tout de suite, parce que ma feuille était blanche et la sienne jaune. J’ai déroulé le message et je l’ai lu :

Enchanté de faire votre connaissance, j’en suis honoré !
Antoni Dąbrowski, votre ami (pour toujours)
et cordonnier (jusqu’à la retraite)

Ce n’était peut-être pas la même chose que la lettre authentique de tante Ida et la correspondance avec grand-mère Janina. Mais j’étais très contente.

 

Magdalena Kiełbowicz. Huczy jak w ulu. (La Ruche d’Urszula n’est pas encore traduit en français), Éditions Znak, Kraków, 2019.