Regards

Aux alentours de Saint-Malo

Par Thierry Berthé

La tradition populaire – et le marketing contemporain – ont ancré dans nos têtes la vocation corsaire de Saint-Malo. C’est vrai mais diablement réducteur et l’histoire de la cité repose sur bien d’autres piliers aussi glorieux tels que l’antique cité d’Aleth, la Compagnie des Indes, l’enrichissement des marchands dans le commerce triangulaire, la grande pêche et désormais le tourisme. Au cours de notre visite, nous évoquerons ces différentes facettes de la vie malouine au fil du temps.

Au débouché de la ria de la Rance, face à la Manche et aux vents de noroit, la “cité corsaire” dresse fièrement ses remparts qui ont conservé leur architecture du 12ème siècle, améliorée par l’inévitable Vauban père des fortins qui défendent la rade et le port. L’île du Grand-Bé héberge l’un d’eux ainsi que le tombeau de Chateaubriand, désormais menacé par l’érosion. Les vieux gréements qui rappellent l’aventure de la Compagnie des Indes – basée à Saint-Malo de 1711 à 1793 – occupent l’un des quatre bassins soumis aux marées.

La ville close, quasi ruinée par un bombardement américain en 1944 – alors que les allemands étaient presque tous partis – s’avance fièrement face au large et s’érige en premier protecteur du port qui abrite aujourd’hui les chalutiers, les vedettes rapides et les ferries à destination du Royaume Uni et des îles Anglo-normandes, ainsi qu’une imposante activité de fret et de construction navale.

Derrière ses remparts, la ville close dominée par la flèche ajourée de la cathédrale Saint-Vincent, fut rebâtie dans les années 50-60, avec le même granit qu’autrefois. Si les immeubles sont de qualité, ils ont toutefois perdu une partie de leur charme d’antan. Du 18ème siècle corsaire, seul subsiste l’hôtel Magon de Lalande – du nom du directeur de la Compagnie des Indes orientales – l’un des plus puissants armateurs malouins. Son charme discret, propice au négoce, et ses caves gigantesques qui abritaient les denrées précieuses plusieurs mois après chaque retour, témoignent avec bonheur de cette époque où un voyage aux Indes pouvait durer cinq ans. Sur les remparts, face au large, la statue du corsaire René Duguay-Trouin, actif sous Louis XIV, l’illustre également.

Le château, datant du 12ème siècle, fut le symbole du pouvoir ducal, puis royal après 1488. La Tour “Quic-en-groigne” (qui signifie, dans la bouche d’Anne de Bretagne, que le peuple peut bien protester…), le donjon, le mantelet et les casernes ajoutées au 18ème siècle, marquent magnifiquement l’entrée de la ville close.

Au nord de la cité, le Fort national, accessible facilement, marque la limite de Saint-Malo en direction de la grande plage du “sillon” et des hôtels et villas de Paramé, dont le front de mer, soumis aux tempêtes, est protégé par des rangées de pieux brise-lames. En poursuivant la promenade des remparts, de tours en fortins, outre de belles vues sur le large, on découvre la piscine d’eau de mer et on croise la statue de Robert Surcouf, corsaire du Roy Louis XVI.

Derrière le château, la cour de la Houssaye, épargnée par les bombes, offre à notre regard la tour de la maison “de la Duchesse Anne”, un hôtel malouin, l’escalier de la rue du Pélicot et la maison des poètes d’où nous observe Chateaubriand.

Sentinelle veillant sur l’estuaire de la Rance, la corniche d’Aleth offre de belles vues sur Dinard, sur l’autre rive de la Rance et sur Saint-Servan, au sud de Saint-Malo comme sur la célèbre tour Solidor, bâtie en 1382, ancienne prison malouine.

Quittons Saint-Malo pour ses alentours. En direction de l’est, la “Malouinière” de la Chipaudière, bâtie par le même Magon de la Lande en 1710, presque seule parmi les 112 qui ont traversé le temps à se laisser approcher par les visiteurs. La richesse malouine se fait toujours discrète ! A Rothéneuf, si proche, nous pouvons admirer les rochers sculptés par l’abbé Fouré entre 1870 et 1890, exemple local de l’art brut, cher au facteur Cheval.

Une navette traverse l’estuaire et nous conduit à Dinard, paradis des villas qui surgirent après 1870 aux prémices du tourisme balnéaire souligné par l’immense casino. La diversité des styles, du balnéaire à l’éclectisme en passant par l’art déco, offre aux promeneurs une palette bigarrée et monumentale. De la pointe du Moulinet à la plage des Roches brunes, où trône la statue d’Alfred Hitchcock, les villas se succèdent, notamment la célébrissime villa des Roches brunes (néo Louis XIII) dont la silhouette isolée domine la Manche face à l’ile du Petit-Bé.

Achevons cette longue promenade malouine par un passage à Saint-Suliac, sur la rive droite de la Rance et en amont du barrage. Ce village de pêcheurs se déploie sur un coteau autour de son église du 13ème siècle, largement remaniée depuis. En voisin, le moulin de Beauchet, illustre l’usage des marées par le monde agricole, bien avant l’usine marémotrice mise en service dans les années 60.

L’appel de Saint-Malo est puissant et y répondre réserve de belles surprises. N’y résistez pas.

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Crédit photo Thierry Berthé