Sur le vif

Par Ileana Cornea

Dans l’atelier de Monsieur Liu Yingrui à Jingdezehn (province de Jiangxi, Chine).

Monsieur Liu Yingrui, artiste céramiste, professeur à l’Université de Céramique de Jingdezhen (la capitale mondiale de la porcelaine) et l’artiste Française Sophie Sainrapt se sont rencontrés parce qu’ils partagent la même thématique, la représentation du nu féminin, sous le signe d’Eros. Deux tempéraments, une même expérience.

Céramiste réputé de sa région, Monsieur Liu passe volontiers de la céramique traditionnelle à la sculpture. Il crée des corps féminins allongés, presque pointus. Leurs bras disparaissent au profit de bandes légères qui courent autour de leur nudité comme pour les empêcher de bouger. Des nus lisses et fragiles dont l’érotisme est une audace absorbée dans les tons verts-bleus de la célèbre porcelaine chinoise. Des nus phantasmes, maniéristes et raffinés, manifestent leurs lignes délicates, pour être convoités.

Peintre avant tout, Sophie Sainrapt, peint le corps de la femme réelle, le modèle qui pose dans son atelier et qu’elle recrée ensuite, à partir de ses propres démons.

Son trait un peu cassant est volontaire. Elle le déploie sur la toile en vertu d’une dynamique gestuelle personnelle qui se distingue par son tempérament de feu. Elle double son trait de son pinceau mouillé d’encre, comme pour lui apporter de la fraicheur, le consoler et le protéger.

Le Duo au travail

C’est la première fois que dans l’atelier du professeur Chinois, deux artistes si éloignés de culture et de pratiques, peignent sur la chair blanche de la porcelaine préparée à dessin. Côte à côte, sous les yeux ébahis de quelques étudiants, ils travaillent absorbés par leur sujet.

Se tromper pour l’artiste occidentale n’est que prétexte pour rebondir à la recherche d’une solution nouvelle, alors que pour la main formée du calligraphe chinois, tout est maîtrise et caresse, l’erreur ne peut pas s’immiscer.

L’artiste Française griffe et malmène le matériau qui lui échappe et lui résiste. Ses traits consolident leur valeur à travers le repentir, ses nus déployant leur masse, en haute tension.

L’artiste Française cherche à retrouver le corps de la femme qu’elle chérit, dans des formes nouvelles qu’elle exploite à travers les contours et à l’intérieur de la morphologie des fruits.

Chez l’artiste Chinois, les mêmes formes reviennent sans cesse comme un éternel retour, rappelant les eaux stylisées qui ornent les escaliers du palais royal de la Cité Interdite de Pékin.

Dans l’art c’est le résultat qui compte mais le chemin pour y arriver y est pour quelque chose.