Regards

UN SIMPLE ACCIDENT DE Jafar Panahi

Par Chantal Laroche Poupard, SIGNIS France

Ce film dramatique, Un simple accident, de Jafar Panahi, tourné sans l’autorisation officielle des autorités iraniennes, est à la fois un thriller, une réflexion philosophique sur la vengeance et le pardon. Il est d’autant plus exceptionnel car il rythmé par des séquences truffées de situations humoristiques et rocambolesques.

Le film s’ouvre sur une séquence sombre et magistrale. On est en Iran ; il fait nuit noire ; un homme est au volant d’une voiture avec femme et enfant ; la voiture s’arrête ; elle a « un simple accident ». Le conducteur cherche du dépannage et entre dans un garage ; il ne voit pas tout de suite le mécanicien Vahid. Celui-ci se cache : il semble surpris et déconcerté d’entendre le pas de cet homme qui claque sur le sol dans un bruit métallique de prothèse. Unique bruitage de cette séquence étrange, ce son claudiquant ramène Vahid à son passé carcéral, où dans les geôles d’Iran, il avait dû subir, les yeux bandés, l’interrogatoire d’un tortionnaire au même pas grinçant.

La réaction de Vahid est tout d’abord sans appel ; il décide de se venger et enlève l’homme qu’il emmène dans un endroit désertique pour l’enterrer vivant. Mais l’homme, Eghbal, époux et père de famille, nie les faits si bien que le doute s’installe chez Vahid. Celui-ci se met en quête de retrouver d’anciens codétenus afin que ceux-ci le confortent dans l’identification de ce tortionnaire. Il retrouve Salar, puis Shiva en train de photographier en tenue de mariés Golrokh et son futur mari.

Il s’en suit un enchaînement d’événements rocambolesques et de séquences violentes qui tiennent le spectateur en haleine et dans le doute. L’interprétation par des acteurs confirmés comme Vahid Mobasseri et Ebrahim Azizi est impressionnante. Les réactions des ex-codétenus sont très différentes en face de cet ancien tortionnaire Eghbal : les uns ont l’esprit vengeur, d’autres sont indifférents, certains prônent le pardon.

L’issue de l’histoire est énigmatique et mène vers une fin ouverte. Vahid est chez lui. Dans un hors champ, le pas métallique à prothèse résonne à nouveau et se rapproche de lui : Vahid va- t-il être tué ? Va-t-il être poursuivi toute sa vie par ce son qui le hante ?

Le film Un simple accident a conduit Jafar Pahani à réaliser ce qu’il considérait comme son urgence, sa nécessité de faire un film pour ceux qu’il a croisés lors de son second séjour en prison. Il fait une analyse perspicace et sagace des différents points de vue d’êtres humains blessés, abîmés par la vie et réalise un thriller politico-philosophique qui, grâce au rythme endiablé de situations hilarantes, fait passer de façon subtile un message poignant. Jafar Panahi est l’un des seuls réalisateurs à avoir remporté les plus hautes récompenses dans les plus grands festivals, Locarno, La Mostra de Venise, la Berlinade et Cannes avec sa Palme d’Or en 2025. Son film est choisi pour représenter la France aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger en mars 2026.

 

UN SIMPLE ACCIDENT de Jafar Panahi.Iran/ France/ Luxembourg, 2025, 1h42. Avec Vahid Mobasseri, Maryam Afshari, Ebrahim Azizi, Majid Panahi. Festival de Cannes 2025, Palme d’or 2025.