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L’été serti de Serge Plagnol

Par Cybèle Air

De la dimension de l’espace peint, personne ne parle. La peinture a perdu la troisième dimension, et se retrouve face au vide : manque une dimension, au mur, à la toile, au panneau de bois. Que fait-on avec le vide ?  Mies van der Rohe affirmait en son temps : « Less is more ». Enigmatique formule que l’on ressasse et réinterprète. « Moins c’est plus ». Et si perdre, c’était un gain ? Perdre la troisième dimension, et gagner les possibles de la subjectivité, ses chatoiements, ses errances, ses couleurs. Pour rendre la troisième dimension, tous les subterfuges, tous les artifices, toutes les inventions adviennent au possible : de la perspective au sfumato, du clair-obscur aux aplats contrastés. Voilà que s’ouvre l’histoire de la peinture. Comment s’y prend Serge Plagnol dans son exposition « petit c’est grand » à la galerie Area en cet automne 2020 ?

Les petits formats de Serge Plagnol ici présentés furent peints cet été, dans un jardin, sur les hauts de Toulon. Ils respirent l’acidité de l’air, qui pique la chaleur de la saison, ils vivifient la vie, aiguillonnent toute lourdeur, ouvrent des fenêtres sur ces espaces autres auxquels nous aspirons. L’air vibre autour de la limite, le vert, un peu plus jaune, le bleu, incandescent, le rouge, vif ou sombre, mais toujours agissant _ renversant la donne, faisant tout basculer. Car il s’agit bien de ce dérangement des choses, de leur bascule, et plus encore du chamboulement de l’espace. Ce qui aspire à la surface du tableau, c’est tout ce qu’il y a en dessous, derrière : toute cette vie fait retour, silencieusement et avec véhémence. C’est probablement pourquoi cette peinture apaise et vivifie en même temps. Ce qui est dessous arrive enfin devant, dessus, a droit de cité.

La griffure s’élève à l’expression, le panneau de bois se creuse. Le creux et le plein : des morceaux de choses, des cailloux, collés ou insérés dans l’épaisseur griffée du tableau, viennent matérialiser la déhiscence de l’espace. L’espace n’est pas un, il ne se réduit ni à deux, ni même à trois dimensions : l’espace est multiple, labyrinthique, kaléidoscopique. « Less is more ». Les peintres ont perdu la troisième dimension pour mieux explorer les dimensions multiples et complexes de l’intériorité. Serge Plagnol cisaille et griffe, montre les blessures, mais aussi sème des petits cailloux, des points sourds et précieux, des points de couleur qui soulèvent des mondes  et tracent des sillages, des voies. Le titre de l’exposition, « petit c’est grand », rappelle la puissance de l’infinitésimal. Le tableau comme point d’acupuncture qui agit sur l’âme ? Haïku répond Serge Plagnol.

  • Exposition Serge Plagnol, « petit c’est grand »
  • Galerie AREA, 39 rue Volta – Paris IIIème
  • 8 au 31 octobre 2020
  • Jeudi Vendredi Samedi – de 14h à 19h
  • 01.45.23.31.52