LU Hang : une esthétique du déséquilibre, entre gestualité, symbolisme et pensée critique
Par Thierry TESSIER
La démarche artistique de LU Hang se distingue par une articulation profonde entre la forme picturale, la gestuelle du corps humain et une pensée critique sur l’histoire, la société et l’existence. À travers un vocabulaire plastique épuré et chargé de résonances symboliques, LU développe une œuvre exigeante, fondée sur une constante tension entre l’image, le signe et le sens. Sa pratique, à la fois intuitive et conceptuelle, se déploie comme un champ de réflexion plastique sur la condition humaine, dans sa dimension corporelle, existentielle et collective.
Au cœur de sa peinture, le corps devient signe. Gestes ramassés, membres tendus, postures prostrées ou suspendues composent un langage visuel que l’artiste conçoit non comme une simple représentation du mouvement, mais comme une écriture picturale à part entière. Dans ses séries « Gymnastics » ou « Dance », la corporéité se libère de la narration traditionnelle pour devenir un vecteur de tensions psychiques, d’élans contrariés, de déséquilibres métaphysiques. Le geste, ainsi, oscille entre effort et abandon, révolte et soumission, déploiement et repli. Il devient un vecteur plastique de l’incertitude humaine.
Cette dynamique trouve un écho dans l’agencement de l’espace pictural. Loin de la profondeur illusionniste, LU Hang choisit des arrière-plans dépouillés, des scènes austères ou symboliquement fermées, renforçant une sensation d’enfermement et d’aliénation. L’espace est à la fois scène et piège : scène théâtrale où se rejouent les conflits du corps et de l’esprit ; piège visuel où se cristallisent le vide existentiel et la quête de sens. Dans la série des Bols, cette tension atteint une intensité dramatique : figures nues, anonymes, rampantes ou figées, convergent ou fuient un bol vide, placé au centre comme un totem absurde.
Le bol, élément récurrent, incarne un symbole à double tranchant : en tant que récipient, il représente l’attente, le manque, la faim — physique autant que spirituelle. Mais vide, il devient un miroir de l’impossible plénitude, une métaphore du désir sans objet, une allégorie du vide existentiel. LU Hang ne représente pas la misère sociale, il transpose, dans une syntaxe picturale minimaliste, la condition métaphysique de l’homme moderne : isolé, fragmenté, en lutte avec une matière qui ne répond plus.
Les influences revendiquées par l’artiste traduisent une pensée ancrée dans la tradition picturale occidentale tout en la déjouant. Les réminiscences de Goya s’y retrouvent dans le grotesque, le fantastique et la critique sociale ; celles de Bacon dans la distorsion des corps et l’intensité psychologique ; celles de Matisse dans la construction du rythme corporel — mais inversé, où la joie chromatique devient tension froide. LU Hang ne cite pas : il reformule, transpose et décale les héritages pour leur donner une portée universelle et contemporaine.
« Sutures d’un Monde Disloqué » de Lu Hang
Exposition du 7 juin au 12 juillet 2025
Vernissage le 7 juin à partir de 18h30
Vanities Gallery
17, rue Biscornet 75012 Paris
Ouvert du mardi au samedi de 10h30 à 18h30