Evenements

Les quarante ans de la Fabuloserie

Par Henri Hugues Lejeune

La Halle  Saint-Pierre vient d’inaugurer une exposition consacrée à « La Fabuloserie ».

Il s’agit là, quelque part d’une sorte de démultiplication de soi-même, d’introspection en quelque sorte en même temps que d’une réflexion sur l’Art Brut en tant que tel comme du rôle qu’ils y ont joué l’un comme l’autre dans la durée, nous apporter, aussi bien que d’une analyse de ce qu’il est par lui-même, en quoi il peut consister, à le délimiter en quelque sorte, ce nouveau venu pour ne pas dire quelque part cet intrus !

De plus, en quoi ces fameux quarante ans que l’on nous invite à célébrer, en quoi ont-ils consisté, quel est précisément leur bilan ?

Car enfin soyons sérieux (ou soyons enfin sérieux). Il n’est plus en fait d’Art Brut. Et, s’il en est ainsi, c’est certainement en grande partie dû au fait qu’il existe des organismes tels que « La Fabuloserie » et La Halle Saint-Pierre elle-même en vue de les exposer, les faire valoir et les défendre notamment en explicitant ce qu’ils sont et leur place irremplaçable dans la Culture Moderne.

Certes tout y a contribué : l’évolution même de la Société et de sa culture : l’action de forces et d’idéologies telles que furent le Surréalisme et les idées révolutionnaires et « subversives », pour le moins profondément novatrices énoncées de toute part.

Bref, ce qu’ils ont voulu, qu’ils ont su nous dire-et mieux nous en convaincre-, est qu’il n’y a pas d’Art Brut en tant que tel car il s’agit là d’art exactement mais autrement exprimé et ressenti peut-être.

Pas ou plus d’Art « Brut » mais de l’Art tout court ? Cela aura été perçu en grande partie du fait de l’action d’organismes tels que La Fabuloserie ou La Halle Saint-Pierre elle-même en grande partie sans doute,  qui ont pour but, cet Art de le mettre en valeur, de l’expliquer et de l’expliciter de manière à le faire valoir et à nous exalter, nous provoquer nous-mêmes en tant que créateurs potentiels !

 

L’un des moteurs comme des objectifs de la Modernité aura été la création d’un « Homme Nouveau » : il est intéressant dans cette perspective notamment de ne pas se voiler la face et de regarder en face ce qui fut ou que voulut être l’intervention des États entre les deux guerres dans l’art de « L ‘Homme Nouveau » voire dans l‘Homme Nouveau lui-même dans son ensemble, sa composition, tant dans l’Union Soviétique pour le Communisme que chez les Fascistes Allemands ou Italiens : surtout « créer, façonner » bien plus explicitement encore que modifier son approche de l’Art !

Ainsi aura-t-on été en mesure d’apprendre dans l’épreuve, que la responsabilité de l’Art tout entier repose entre les mains de celui qui ose, qui a l’audace et la foi de l’assumer, tout en s’assumant lui-même : elle a ou devrait ne nous en être que plus chère et en gagner d’autant plus de valeur !

 

Ceci s’entendra et est avancé avec la très notable et très importante exception de l’Art exprimé par les aliénés et les fous divers (dont la psychanalyse et la science moderne en général ont considérablement revendiqué et élargi l’audience), dont les œuvres réalisées par leurs patients composent un matériel de base hautement apprécié et revendiqué en tant que matériel de base pour les diagnostics -et les soins- par les gens qui les soignent.

Il me souvient d’une émotion à cet égard -et d’une gêne certaine- lors d’une exposition à La Maison Victor Hugo de pouvoir toucher du doigt à quel point toute la vie et l’univers sensible à l’intérieur duquel Victor Hugo a constamment évolué (et ceci dans les maisons et les logis qu’il se forgeait pour son propre usage).

 

Sans doute peut-on admettre en outre, avec ou parmi les créateurs d’art brut ceux « qui ne se prennent pas au sérieux. » Ils existent à coup sûr.

Le malheur est que, par ces temps exhibitionnistes et narcissistes, on ne sait pas trop qui ne se prend pas vraiment au sérieux ou qui s’en donne l’apparence afin, comme le disent plaisamment les Anglais, de se livrer à la « Pêche aux compliments ».

Sur les routes et les chemins, les itinéraires entrecroisés de l’Art Brut, la route est aussi le Chemin, la Doctrine aussi bien que l’Objectif, l’Idéal eux-mêmes.  Le Palais du Facteur Cheval (et beaucoup d’autres du même genre, moins connues, dont de nombreuses « Maisons » métamorphosées par leur propriétaire, souvent captivantes, ensorceleuses et interrogatrices à souhait, aux initiatrices souvent féminines en sont souvent les témoins, suivant d’autres itinéraires, qui relèvent souvent, figurent en bonne place dans les domaines favoris de l’Art Naïf !

 

Les vedettes, les lieux où elles se montrent et ceux où on les étudie de surcroît, les méthodes -ou les non-méthodes la ferveur seulement, puisque la méthode pour beaucoup d’entre eux, d’entre nous, est de n’en point avoir, s’ils prennent leur temps, leur élan et sont à même à présent d’entreprendre tout ce qu’ils veulent devrait-il sembler.

 

Les deux foyers principaux du culte de l’Art Brut ont décidé aujourd’hui de se mettre en prise directe, c’est un geste décisif qui est susceptible de rasséréner et d’encourager les vocations, si peut-être elles peuvent effrayer de leur modernité quelques Ames parmi eux souvent effarouchées et psychologiquement délicates.

Ceux d’entre eux qui ont déjà abordé ces parcours, franchi les portails de « L’art moderne » par ses itinéraires se réjouiront de leur évident succès avec cette conjonction de leurs deux principaux foyers qui ont réalisé ainsi une démarche décisive.

Cette exposition est à voir en tout état de cause pour découvrir tous ces artistes à la recherche de liberté artistique.

Dans mon cas personnel, un élément intérieur supplémentaire de curiosité est survenu à la lecture dans la presse du récit d’une importante recherche contemporaine relative à l’Art des Cavernes préhistoriques…

 

La Halle Saint Pierre 2 rue Ronsard Paris 18ème

Du 25 janvier au 25 août 2023