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Mes Amours Souterraines

par Katy Sroussy

Olivier Sourisse, vous êtes écrivain et dramaturge, aujourd’hui votre nouveau roman est édité, pourriez  vous  nous en parler ?

« J’avais besoin d’écrire mon histoire, une histoire dissimulée et intime, tellement enfouie en moi.

Dans les années 80, quinze ans, deux garçons qui s’aiment dans une « cité » de Nantes. Nous avions trouvé une cachette dans la soufflerie d’un sous-sol d’une barre d’immeubles. Par fantaisie, nous l’avions appelée « Cul  G », déjà un pied de nez à la société.

Pour moi, cette histoire vécue si naturelle, est racontée au présent. Elle fait écho à ce que vit la jeunesse actuelle dans les banlieues. Tout cela est très étouffé dans ces cités HLM aux problèmes sociaux, où les familles ont un poids évident. Et même en plein cœur de Paris, des agressions homophobes ont encore lieu.

J’ai préféré donner aux protagonistes d’autres  prénoms : Siegeer, mon ami, nom à consonance nordique, d’ailleurs les vickings sont allés jusqu’à Nantes,  et Léo, pour moi-même.

Il y a à peine un an, j’ai réussi à écrire, à mettre des mots sur cette histoire dont la fin est pourtant indicible. Pendant plus de trente ans, je fus dans l’incapacité de parler de lui, je ne voulais pas qu’on me le vole, il m’était impossible de partager cette histoire secrète.

Nous avions à peine douze ans quand nos regards se sont croisés pour la première fois, nous nous sommes  compris…pendant des mois nous nous ne sommes pas revus. Puis cet immense amour caché est né. Nous étions des personnalités très solitaires. Pendant trois ans, par crainte que cela se sache, par crainte de subir des violences et agressions, nous nous retrouvions dans notre antre. On se méfiait de tout le monde, de nos familles, d’un frère homophobe, d’un père paradoxal…

La veille de notre départ en vacances, en été 82, un drogué violent qui faisait les caves nous a découvert. Il  nous a menacés brutalement,  avec folie.  Il fallait vite changer de lieu.

Mon père a passé son permis cette année là,  à l’âge de cinquante huit ans pour partir en vacances en 305 bleue dans les Alpes pendant cinq semaines. Nous sommes partis mes parents, ma sœur et moi sans mes quatre grands frères, indépendants. Siegeer lui est parti en Vendée dans sa famille très catholique et traditionnelle. Nous ne nous contactions jamais. Avant de partir il m’avait lancé un défi : je devais rencontrer d’autres garçons pour voir si notre amour était plus fort.

L’été propice aux nouvelles rencontres fut riche en tentations et amitiés. Un couple de soixante ans fut important pour moi car ils avaient perdus leurs deux fils du sida. La mère me disait « Faites attention aux regards, je sais tout par les yeux ». Les femmes sont omniprésentes  dans ma vie, ma mère m’a appris très jeune la fragilité de la vie, ma sœur ainée fut une deuxième mère.

La différence pour moi entre les femmes et les hommes est la suivante : je dois tout aux femmes, aux hommes, je leur dois ma vie.

Mon père, ouvrier a toujours galéré et  n’a jamais su mon orientation, ma mère sait seulement que j’écrivais un livre sur mon adolescence. Petit ou jeune,  je m’évadais souvent grâce à la musique et au dessin, je racontais des légendes croquées sur carton, je me suis même marié à l’âge de sept ans avec une petite fille Cyndy, fille d’une danseuse magnifique aux cheveux d’or, la femme idéale pour moi !

A l’école, je fus souvent humilié à cause de mon dysorthographie, ils n’ont pas su déceler  cette dyslexie. C’est seulement à vint cinq ans, à l’université de Nantes, j’ai voulu savoir si  j’étais capable d’être légitimé, j’ai passé un examen d’écriture et là, après une attente interminable, le professeur  a voulu me mettre 20. « J’ai l’impression qu’on a raté quelque chose avec vous. Je voudrais vous demander pardon au nom de l’Education Nationale. »

J’ai commencé à écrire des romans et pièces  longtemps après.

Ce livre dont l’histoire très dense, aux rencontres  à risque, malheureuses ou hasardeuses  s’arrête au retour de vacances, à mes seize ans.

On commençait alors à parler du sida, on en avait une peur grandissante, mais la loi de 82 qui dépénalise l’homosexualité marqua une époque charnière.

Ce livre retrace, à travers une épopée familiale, notre amour universel, notre libération et notre revanche ».

 

Mes Amours Souterraines-Olivier Sourisse- Editions Orizons-2020