Lettres

L’amoureux scintillant, Martin Melkonian

Par Cybèle Air

Le régal de lire les textes de Martin Melkonian se trouve condensé dans son dernier opus L’amoureux scintillant, un recueil de propos qui présente et éclaire toute son œuvre.

Ce régal consiste en des retrouvailles avec le temps, avec les mots, avec soi-même. L’écriture de Melkonian évide, crée l’espace d’une respiration intérieure, pour lui-même sans doute, mais aussi avant tout pour le lecteur. L’acte poétique nous remet en présence de notre patrie ou de notre mère nourricière : les mots, la langue. Il tisse la lenteur du temps, la saveur du verbe, l’irruption de l’autre.

Les mots deviennent des miroirs à interroger, qui scintillent de couleurs à réfléchir. Le texte de Melkonian est tenu comme de la philosophie, et libre comme de la poésie. Lorsqu’il questionne le désir, ses analyses se font « d’une énergie coupante », pour reprendre une expression de Conversations au bord du vide. Le tranchant du concept et le dynamisme de la couleur, « le rouge brique, le jaune citron et le vert perroquet », œuvrent ensemble quand il détaille « l’émotion scopique ». L’instant devient roman, et dans la ciselure des mots, le fugitif devient événement.

S’il faut dire que le verbe de Melkonian scintille, il faut préciser qu’il est peut-être avant tout un amoureux du temps, de l’instant, un flâneur libre qui nous offre des Traces de secours, titre d’un recueil récent. « La phrase se substitue à une peau érogène », écrit-il dans L’amoureux scintillant. C’est dire si le moi profond est éveillé à la vie par le travail des mots ; nous sommes dans les palpitations hétérogènes de la durée, telle que Bergson pouvait en faire la théorie.

Philosophie et poésie, métaphysique et sensation, l’œuvre de Melkonian, dans sa diversité et sa répétition, évoque notre exil sur terre à la manière de Platon à la fin du Timée : les humains sont comme des arbres dont les racines sont plantées au ciel. Nous avons vocation à redécouvrir notre condition d’immigrés métaphysiques.

« L’immigré habite les livres », écrit le poète-philosophe dans Minimes.
Quelle plus belle invitation à la lecture ?

Martin MELKONIAN, quelques titres :
L’amoureux scintillant, La Feuille de thé, 2015
Traces de secours, La Feuille de thé, 2014
Minimes, La Feuille de thé, 2013
Arménienne, Maurice Nadeau, 2012
Conversations au bord du vide, éditions d’écart, 2004