Portraits

Entretien avec Krystian Lupa

Par Anna Tepli-Aussure et Woytek Konarzewski

C’est dans le cadre très privé d’un salon parisien, que le metteur en scène Krystian Lupa s’est prêté à cette interview exclusive inédite pour Saisons de Culture.  Détendu, malgré l’enjeu des premières représentations, le metteur en scène nous a livré ses impressions, à propos de sa pièce Les Émigrants et du théâtre polonais en général.

Entretien :

 

AT : « Les Émigrants », quels sont vos sentiments après les premières représentations, au théâtre de l’Odéon, de ce spectacle tant attendu ?

KL : Lors de la première, les acteurs étaient tendus, surtout dans le second acte, puis il n’y a eu aucun relâchement jusqu’à la fin. J’étais très malheureux, même si la première a été un succès, cela ne m’a jamais rendu heureux, le succès en lui-même ne me rend pas heureux. Par la suite, il y a eu une représentation où on s’est finalement dit : c’est ce dont nous avons rêvé.

 

AT : L’idée maîtresse, c’est la référence à l’antisémitisme, qui est une forme de racisme…

KL : Oui, une référence à l’antisémitisme, à l’homophobie, et toutes sortes d’exclusions, à toutes ces exclusions dont les gens ne se rendent parfois pas compte. En ce moment, tout le monde se considère progressiste, personne ne dira qu’il n’a pas d’empathie, personne ne dira qu’il ne respecte pas, comment dire, les différences des autres, personne ne dira qu’il n’écoute pas les autres, ou qu’il a du mépris ou de la haine…

 

AT : En Pologne, malheureusement, on dit…

KL : Oui, bien sûr. Ce que je viens d’énoncer, « personne », je dis cela des gens qui aspirent à être appelés gens de progrès, humanistes, et pourtant même parmi eux, toutes les phobies que nous venons de nommer n’ont pas fini d’exister. Vous ne savez peut-être pas que vous pouvez être un antisémite et l’être, vous pouvez ne pas savoir que vous êtes homophobe et être homophobe, vous pouvez ne pas savoir que vous êtes misogyne et être contre l’égalité des droits des femmes, vous pouvez ne pas savoir que vous êtes raciste et l’être, en fait.

 

AT : Personne n’a l’honnêteté intellectuelle de se dire lorsqu’il ressent une aversion : Je dois y travailler ?

KL : « Je dois y travailler »… Je veux dire, c’est toujours la faute de l’autre, c’est une chose éternelle, pourrait-on dire, l’empathie est une grande capacité à renverser le fait que l’autre est en faute, du sentiment éternel que c’est moi qui ai raison, et toi – il y a quelque chose qui ne va pas chez toi – tu me déranges, tu m’énerves.

Nous savons à quel point le fanatisme religieux est grand dans l’Islam et pourtant, dans notre religion européenne, dans le catholicisme, en Pologne par exemple, nous pouvons dire que la religiosité se résume à la haine.

Si on enlevait la haine et l’ennemi, je ne sais pas ce qui resterait des sentiments religieux de ces gens. Ce ne serait que du vide.

Dans la pièce précédente, intitulée « Imagine », réalisée en Pologne, nous traitions de Saint Antoine et de ses tentations par le diable, et en fait, cette absurdité est incroyablement capturée. La vie de sainte Antoine était une suite des tentation du diable, du moins selon sa biographie écrite par son plus jeune élève et ami. C’était la première biographie dont pratiquement tout le monde s’inspire. Le diable lui apparaît principalement sous forme sexuelle, avec les attraits de la puissance ou de la richesse, ou sous forme d’ennemis divers, ou d’abominations qu’il faut combattre, ou de plaisirs auxquels il ne doit pas céder, et ainsi s’est écoulé sa vie. En fait, on peut dire qu’il n’y a pas de Dieu, pas de bien, pas d’autres hommes, mais il y a une lutte constante avec le diable.

Sans cela, je ne sais pas ce que ferait Saint Antoine, n’est-ce pas ?

 

AT : Votre scénographie est très omniplastique et Wojtek suppose qu’elle est liée à vos études à l’Académie des Beaux-Arts, combinées au cinéma et à votre polyvalence.

KL : Probablement, peut-être un peu comme Kantor, j’ai besoin de regarder à travers l’outil de l’image comme outil de synthèse et j’essaie de trouver une image qui immédiatement, comme si elle atteignait l’intérieur caché de quelque chose. Surtout lorsqu’il s’agit de transmettre la prose de Sebald et de pénétrer le silence qu’il nous signifie.

Sebald a déclaré que les sujets les plus profonds, tels que l’Holocauste, par exemple, ne sont pas possibles à exprimer par quiconque venant d’en dehors de cette expérience. Immédiatement, dans chaque approche, dans chaque articulation, ils seront prostitués (défigurés, souillés) d’une manière ou d’une autre. En fait, même involontairement, nous commettons une profanation et une certaine usurpation, en pénétrant dans quelque chose qui échappe à notre compréhension. Et pourtant ce sont des choses qui sont en nous, coincées comme des sujets sans solution et incontournables en même temps, dont l’évitement aboutit à ce que nous sombrons dans une certaine lâcheté dans nos actions ultérieures. Sebald dit : Je me tais sur ce dont je ne peux pas parler, mais je fais tout pour que le lecteur puisse lire ce silence autour de ce qui est dit.

Il est possible que ce qui soit enraciné comme une obsession, comme le problème le plus interne et le plus central de l’âme, résulte de ma tentative de traiter avec ma propre humanité et avec l’humanité qui est en dehors de nous.

Si on veut aller plus loin, on fait une sorte d’enquête sur Sebald et sur ses étendues de silence.

En réalité, les moments comme la scène avec Hélène à l’acte 1, puis la scène avec Lucy, dans l’appartement abandonné, ce sont des scènes que Sebald n’a pas écrit, il a seulement suggéré leurs existences. Chez Sebald, le narrateur est extrêmement impressionné par ces suggestions, les situations dont les témoins, qui … c’est fantastique les témoins… Lucy Landau vit avec Bereyter, mais elle n’est pas un témoin ni informé, ni compétent. Les témoins incompétents parlent d’une autre personne et nous devons écouter très attentivement ce qu’une tierce personne dit d’une autre personne… ce qui se dit sur le sujet de notre enquête, c’est-à-dire Bereyter, ou Ambroise, ainsi que Salomon dans le second acte, dans lequel tante Fini n’a aucune idée de tout ce qui pourrait arriver dans le cocon existentiel d’un couple d’homosexuels à cette époque. Des êtres obligés de vivre dans la clandestinité et l’obturation complète de l’identité, dans l’exil identitaire ou les mensonges identitaires. Le témoignage de gens incompétents est quelque chose de fantastique, avec la meilleure volonté du monde ils nous transmettent un récit erroné, projettent des fausses images d’où nous devons extraire des bribes écorchées de la vérité!

Pour en revenir à votre question, nous avons eu l’intention de plonger au cœur des secrets construits avec les images des intuitions, avec l’assentiment qu’en réalité ce sont des radiographies du silence sébaldien.

 

WK : Une question encore sur la scénographie, ma première impression a été que l’image perçue ressemble à un tableau, peut-être un tableau de l’école flamande ?

KL : Vous avez à l’esprit l’interpénétration des images vidéo avec la réalité de la scène et les spots lumineux ? Cela me fascine vraiment ce dernier temps. Depuis quelques représentations, je cherche dans ce domaine des nouvelles solutions intentionnellement afin de faire évoluer cette idée d’un spectacle à l’autre.

Toutefois, j’aimerais revenir encore à la question d’il y a cinq minutes. Je dirais que d’une part, oui, certainement mes études de peinture, à mi parcours desquelles j’ai senti que je ne serais pas peintre et que je ne voulais pas l’être, car je ne pouvais pas exprimer ce que j’espérais démontrer avec une peinture. Tous mes professeurs m’ont toujours reproché d’avoir trop de narrations dans mes peintures alors que c’était l’époque où un tableau était censé n’être qu’une image, un jeu de rapports des couleurs…

 

AT : Le tableau ne pouvait pas être un collage de pensées différentes, un peu trop tôt ?

KL : Non, non, comme le surréalisme ou d’autres tendances dans lesquelles le contenu est chose essentielle. A cette époque, il y avait en Pologne un culte de peinture pure, le kapisme. Le kapisme était dans le sillage du peintre français, Bonnard, bien connu en Pologne.

La peinture est une de mes facettes , mais j’ai définitivement en moi une certaine blessure d’aspirant, d’adepte renvoyé de l’école de cinéma parce que diplômé des Beaux Arts je voulais être cinéaste… A vrai dire, heureusement qu’on m’a mis dehors… Je ne pense pas que j’aurais pu m’en sortir dans le cinéma polonais à cause du manque de force pour percer dans ce milieu et par manque de débrouillardise.

 

AT : Lorsqu’un film était politiquement contrôlé, fallait-il être « un vendu » ?

KL : Absolument, je n’aurais pas pu réussir dans le cinéma polonais. Heureusement j’ai été expulsé de l’École de cinéma de Łódź et une certaine fascination pour mes maîtres, Tarkovski, Bergman… est restée de cette époque. Ce qui me fascine depuis quelques temps, c’est l’interpénétration d’un décor de théâtre, d’un récit de théâtre et d’un récit de cinéma. Ces écrans transparents me donnent la possibilité d’une certaine simultanéité dans laquelle l’image théâtrale raconte non seulement par d’autres moyens et d’autres canaux de communication, mais conte aussi une histoire différente. Ce qui me fascine le plus, c’est quand les histoires de la projection cinématographique contredisent ce qui est raconté sur scène par les acteurs, et je suis souvent fasciné par le fait qu’ils entrent en contact avec cette image enregistrée et la traitent comme une certaine image, appelons-la, de leur mémoire ou imagination. Il est intriguant de constater que ce message a déjà été enregistré et que rien rien d’autre ne peut être fait avec son contenu. Il est ce qu’il est, tout comme dans un film, c’est une image qui a été autrefois enregistrée et qui est désormais immuable, inévitable, alors que le spectacle théâtral est vivant, pendant chaque représentation il se construit différemment sur le ressenti et l’expérience du moment. C’est donc le théâtre qui peut être porteur de catharsis, et non le cinéma. Un film peut nous choquer, mais nous ne parlons pas de catharsis après avoir vu un film, la catharsis, c’est lorsque nous participons à un rituel humain se déroulant ici et maintenant.

 

AT : Le théâtre expérimental polonais était très novateur et avait débuté plus tôt que la vague européenne. Quels maîtres de ce théâtre ont-ils influencé la formation de votre vision du théâtre en tant que tel, de votre vision de la mise en scène ?

KL : Oui, tout à fait. Quand j’étais jeune, commençant mes études, et plus tard lors de mes premiers spectacles, j’ai été très fortement influencé par Tadeusz Kantor et sa « Classe Morte ». Je n’ai pas pu m’empêcher de l’admettre en relation avec la salle de classe dans ma performance, en suggérant quelle est la clé de celle-ci, ce qui est inclus dans le bon souvenir d’enfance de Sebald. Après tout, la pièce commence par l’image que l’enfant se fait de l’enseignant et nous fait comprendre à quel point l’enfant a un lien incroyablement fort avec lui. Cet homme a peut-être façonné son imaginaire, peut-être l’a-t-il poussé à devenir écrivain ? Il a été l’initiateur du sillon profond d’un chemin, et donc une figure qui ne peut être sous-estimée. D’un autre côté, l’élève ne connaît pas du tout la personne, l’élève connaît le professeur, l’enseignant est une sorte de personnage, c’est une sorte de fantôme… ce n’est pas la vie privée et en ce moment, je dirais, la désintégration de cette figure, sous l’influence de toutes les révélations consumantes l’image initiale, le malheur, l’exclusion, le fait qu’à un moment donné cette idole commence à être vue sous un tout autre angle, c’est un choc, un choc difficile à gérer.

 

AT : Intéressant, alors Kantor ?

KL : Oui, Kantor. Je n’ai jamais été fan de Grotowski, je n’avais pas confiance en lui.

Il est difficile de nier l’influence de Grotowski sur l’évolution du théâtre mondial, je ne veux pas le remettre en question, ses représentations étaient importantes, des représentations de transfigurations théâtrales révolutionnaires.

Kantor a dit : Grotowski m’a tout volé, et bien sûr, nous savons comment se comportait Kantor et comment il ne reconnaissait personne à part lui-même… peut-être était-il dérangeant que lorsque Grotowski avait déjà une renommée mondiale, Kantor n’était pas connu. Je parle de Kantor d’avant la « Classe morte » … il est vrai qu’à Cracovie, lorsque Kantor tournait « Le retour d’Ulysse » de Wyspiański, Grotowski lui tournait autour … Sans Kantor de ses débuts, Grotowski aurait suivi un autre chemin . Il est allé à Moscou pour étudier, il a appris quelque chose de complètement différent, je pense qu’il aurait suivi un chemin différent, malgré son incroyable intelligence.

Je ne fais pas confiance à Grotowski, dirais-je, en tant qu’aspirant prophète insistant et en tant que donneur d’illumination ou de vision religieuse. Avec ses performances, Grotowski créait une sorte de secte religieuse à laquelle je ne voulais pas appartenir. On pourrait dire qu’en tant que prophète, je le considérais, en quelque sorte, comme un imposteur, un usurpateur, préoccupé par lui même, ce qu’il cachait précautionneusement. Kantor ne cachait pas ses envies artistiques, Grotowski manipulait le spectateur pour   projeter son autoportrait préconçu.

 

AT : Dans ce cas, je vais poser une question de la liste de Mylène car je la trouve très importante. Une question qui remonte à vos débuts. Quelle place occupe encore votre première passion, le graphisme ?

KL : Je rejetterais le mot graphisme et je dirais dessin, qui m’est très proche.

Le dessin a été ma première forme d’expression quand j’étais enfant. C’était vraiment inhérent, c’est-à-dire que le dessin m’a servi à créer ou cristalliser mes mondes intérieurs. L’image réaliste ne me suffisait pas, il me fallait toujours un monde alternatif.

A la maternelle, j’ai créé un pays inexistant appelé Juskunia, avec sa capitale Yelo, je me suis consacré à ce pays pendant très longtemps, je rêve encore d’être à Yelo et de parcourir les rues de cette ville… J’ai créé la langue de ce pays, une histoire qui a été maintes fois écrite, maintes fois perdue. Tout cela était accompagné des dessins, qui était une sorte d’activité parallèle.

Jung dit que certaines activités, souvent manuelles, accompagnent une individuation par le processus imaginatif.

C’est-à-dire que le dessin ne se concentre pas seulement sur l’effet du dessin, mais s’évapore également autour du dessin, s’expanse comme une sorte de mycélium. En fait, très peu de ce mycélium parvient à être inclus dans le dessin.

Chaque fois que je commence un dessin, je ne sais pas ce qui sera dessiné, ni jusqu’où cela ira ni ce qui sera créé. Quand je suis au pied du mur, c’est-à-dire que je l’atteins au cours d’une recherche, je suis en retard dans la création d’un scénario ou d’une scène, et j’ai toujours l’impression d’être à la périphérie, de ne pas pouvoir accéder au centre, je commence à dessiner et pendant que je dessine, une solution survient.

Il est souvent important de se poser une question précise et de l’écrire sur un morceau de papier, de l’accrocher au dessus du lit comme « tu le sauras demain matin », ça marche, le dessin est aussi une façon magique d’ouvrir la porte, avec une clé reçue de son subconscient.

Par conséquent, je ne me qualifierai jamais de graphiste, même si Mocak a récemment publié un album de mes dessins. J’ai toujours traité le dessin comme une sorte de parcours de substitution, marginal, à partir duquel, à un moment donné, je bascule vers la route principale. Picasso a dit quelque chose de fantastique, je l’ai lu quand j’étais encore son admirateur. Il disait « si vous ne savez pas quoi faire ensuite, changez d’outil », le dessin est donc un changement d’outil que vous pouvez utiliser pour aller plus loin lorsque vous êtes bloqué sur le chemin emprunté.

 

AT : Est-ce que vous dessinez parfois pour les scénaristes, pour les gens qui sont sur le plateau ?

KL : Oui, bien sûr, je faisais des costumes et je n’étais pas le meilleur dans ce domaine. Pour le moment, c’est mon ami et partenaire, Piotr Skiba qui s’en est occupé et il le fait avec brio. Cependant, parfois nous ne parvenons pas à imaginer comment ce personnage pourrait être vêtu et puis, à ce moment-là, je commence à dessiner et je ne sais pas ce que je vais dessiner, j’y vais totalement à l’aveugle. Je ne sais pas comment l’habiller, je commence à dessiner et certains dessins sont des errements, finalement un certain détail apparaît dans un dessins et puis je dois immédiatement commencer un nouveau croquis à partir de ce détail et puis tout apparaît comme sur une photo laissée là par une tierce personne.

Le dessin est une sorte de séance de spiritisme, un jeu avec l’inconscient, car on peut dire qu’une telle transe est une sorte de jeu manuel qui se matérialise à l’extérieur et active notre inconscient.

 

AT : Avez-vous toujours choisi les œuvres que vous vouliez réaliser, ou y a-t-il eu des situations où on vous a demandé de mettre en scène sujet bien précis ?

KL : Il y a eu de telles situations. À chaque fois j’ai répondu positivement lorsque j’ai reçu la proposition du réalisateur.

Dans le passé, j’ai toujours essayé d’avoir l’esprit tranquille. L’artiste de théâtre doit avoir une sacoche avec des propositions, s’il reçoit une autre proposition, qu’il ait ceci, cela ou autre chose et c’est toujours bien de porter une telle bourse… Cela fait longtemps que je n’ai plus rien dans un sac, comme si tous les sujets du monde avaient déjà été abordés, ou que je ne les dénichais plus, ou que je ne parvenais plus à pénétrer dans une œuvre.

Je déteste lire des drames. Ce sont essentiellement des esquisses des spectacles, ou du moins ils devraient l’être dans l’intention des ceux qui les écrivent.

Dans le passé, à l’époque romantique, les drames étaient écrits sous forme de lesedrame, c’était la forme littéraire la plus élevée.

En ce temps, on ne faisait pas confiance à la poésie. Donc un écrivain, un poète en réalité, devait écrire des pièces de théâtre, et celles-ci n’étaient pas nécessairement adaptées à une mise en scène.

Je ne sais pas lire des pièces de théâtre parce que je n’ai jamais la patience de lire les noms des gens qui parlent à un moment donné et je ne sais jamais qui dit quoi (plaisanterie).

Je me souviens très bien d’une belle expérience et cela m’a fait comprendre quelque chose. Je suis un admirateur de Thomas Bernhard depuis des années et j’ai toujours préféré adapter sa prose plutôt que ses drames, car il me semblait que dans sa prose, de façon plus véridique, il guidait personnellement ses héros à sa manière, et non dans des projets complaisants pour le théâtre.

Je ne dirai pas que Bernhard était réellement comme ça, juste au service de l’imaginaire théâtral. Mais le fait est qu’il était extrêmement fasciné par Beckett et quand il écrivait des pièces, il voulait les écrire un peu comme Beckett et ça me gênait.

C’est le dernier drame, « La Place des Héros », que j’ai apprécié comme sujet et que j’ai fait – en répondant à une question – parce qu’une offre est arrivée.

J’ai oublié de vous dire que j’avais été le rédacteur d’une anthologie des pièces de Bernhard éditées en Pologne dans laquelle j’ai placé la sélection des plus importantes à mes yeux. Cette dernière œuvre s’y trouve comme un drame important, même si je la considérais comme une œuvre secondaire et raté, c’est pourquoi je ne l’avais jamais mise en scène en Pologne.

Le directeur du théâtre de Vilnius m’a proposé de faire « La Place des Héros », et je me suis dit : je considère que c’est un drame raté, même s’il a eu un tel succès et a été le plus grand scandale… première à Vienne, Bernhard y a reçu une vague de haine terrible, on lui reprochait littéralement de« chier» sur sa nation et sur l’Autriche.

C’était en effet peu de temps avant sa mort … les agissements des Autrichiens ont contribué à sa mort prématurée et à son fameux testament.

Bernhard a interdit la publication de ses livres et la représentation de ses pièces en Autriche jusqu’à la fin du monde.

Comme je suis un ami de son frère, après la mort de Bernhard, nous sommes très proches, même si nous nous voyons rarement. J’appartiens à une fondation, je ne sais même pas si je suis toujours le responsable honoraire de cette fondation. Je suis donc l’un des huit criminels, dirais-je, qui ont invalidé le testament de Bernard, et désormais ses pièces peuvent être jouées et imprimées en Autriche… ici, j’ai pris le rôle de Max Brod qui n’a pas brûlé les livres de Kafka, comme celui-ci l’a exigé dans ces dernières volontés.

Il s’agit essentiellement d’une tentative de sauver l’artiste de lui-même.

Mais revenons au récit, je me suis dit : « D’accord, je vais essayer. »

Après quelques lectures avec des comédiens, je me suis rendu compte que j’avais été totalement incapable de pénétrer ce drame auparavant et que cette dernière œuvre est une avancée remarquable que je ne parvenais absolument pas à saisir en effectuant une lecture solitaire.

Au moment où je l’ai entendu divisé en voix, lorsque les personnages sont apparus, j’ai vu qu’il avait finalement fait de manière très radicale ce que Beckett avait fait aussi, mais d’une manière complètement différente.

En fait, ce qui est important, c’est ce que les personnages n’expriment pas, et non ce qu’ils disent, car les personnages cachent parfois non seulement aux autres, mais aussi à eux-mêmes le contenu important qu’ils enferment dans leur être.

La parole humaine est soit la vérité cachée dans le mensonge du dialogue, soit un certain palimpseste… c’est-à-dire, comme on pourrait le dire, la pensée est dans ce qu’une personne ne peut pas, ne veut pas ou ne parvient pas  à exprimer.

 

AT : Mon professeur d’aquarelle me rappelait souvent de laisser au spectateur un chemin d’introduction dans la composition – « ligne de fuite », quelque chose doit exister dans le tableau qui encouragera le spectateur à s’y projeter, et puis, une fois arrivé là, il pourra rêver de quelque chose qui lui appartient.

KL : Oui, oui, Sebald le fait au plus haut point, Bernhard l’a fait aussi. À un moment donné Sebald mobilise ou provoque le lecteur en l’incitant à avoir son propre récit, qui s’élève au-dessus, va parfois même dans le sens de la méfiance, prend la voie de l’opposition, ou de polémique. Ces chemins sont inscrits là, l’écrivain n’en parle pas car il espère se confronter à un lecteur conscient et alerte, et non à un passif qui a besoin être conduit par la main.

 

AT : Quel a été le plus grand défi dans votre travail scénique jusqu’à présent ? Que considérez-vous comme un grand défi, la réalisation d’un rêve, des non-dits… ?

KL : Je ne sais pas si je peux citer un seul de ces événements, les situations dans lesquelles quelque chose comme cela émerge sont toujours des avancées. Une personne qui veut être artiste finit toujours par devenir routinière et commence à se répéter, même si elle ne le veut pas. Soudain, une rencontre, un défi lui permet de changer de peau et de prendre un nouveau chemin.

Je plaisante toujours en disant que l’artiste chez l’homme vit moins longtemps que la vie dite biologique, l’artiste chez l’homme a une vie de chat, 12 à 13 ans, c’est alors, ce délai écoulé il faut attraper  un nouveau chat ou en acheter un quelque part, c’est donc le moment où apparaît l’opportunité d’acquérir un nouveau chat.

Je peux vous parler d’un de ces défis. Comme cela arrive souvent, je ne savais pas quoi faire ensuite et il m’est venu à l’esprit, au cours des conversations, qu’un projet pourrait être créé pour parler de la « Silver Factory » d’Andy Warhol, de ce phénomène culturel, parce que c’était un lieu phénoménal (extraordinaire) à New York.

C’était très proche de ma jeunesse, de mon époque hippie. Le parallélisme total et surtout le fait qu’ils étaient engagés dans diverses activités créatives dans la fabrique à cette époque. Ils formaient un groupe d’éruptions artistiques. Ils ont commencé à être fascinés par le cinéma des nouvelles possibilités.

Warhol a déclaré qu’un tel film ne raconte aucune histoire écrite dans un scénario et que les acteurs ne créent aucun personnage selon ledit scénario , mais créent plutôt des fantasmes à partir d’eux-mêmes, traitant la caméra comme une provocation incitant à une vie plus audacieuse et plus riche que les leurs. Bref, la caméra devant toi te permet, selon la conviction d’Andy Warhol, un épanouissement de la personnalité.

Nos propres vies sont souvent hypocrites, lâches et cachées d’une manière ou d’une autre. Nous sommes conformistes, nous suivons constamment le scénario de quelqu’un d’autre… un acteur de l’œuvre de Tchekhov a déclaré que non seulement il vit dans un rôle plus coloré que sa propre vie, mais que dans un rôle il vit plus véritablement. Cela peut sembler paradoxal au début, mais plus tard, vous pourrez vous dire que votre vie n’est pas réelle.

Êtes-vous vous-même dans votre vie, qu’est-ce que la personnalité ?

Ce n’est peut-être pas ce que vous avez accompli jusqu’au moment présent ou les faits découverts en « flagrant délit », mais un certain potentiel qui réside en vous en tant que projet.

À cette époque, ils traitaient ces films comme une auto-provocation et, bien sûr, ils utilisaient divers stimulants sans que l’on ait à approfondir tout ce qu’ils consommaient.

Cette chose, ce tournage, utilisant la caméra comme une sorte de provocation pour, disons, s’épanouir, est devenu le point de départ du spectacle que nous avons fait à Cracovie, au Théâtre Stary, « Faktory 2 ».

Ce fut une aventure extraordinaire, qui a duré très longtemps.

 

AT : Ce sont les années soixante pour Warhol, et pour vous ?

KL : Notre performance, c’était en 2007, un spectacle qui a été pour nous, pour nous dis-je – à ce moment-là, pas seulement pour moi, mais pour tout le groupe – une grande expérience décisive.

Au début, personne ne savait qui allait jouer tel ou tel personnage, nous nous réunissions simplement en groupe, regardions des films de la Fabrique en boucle et tombions amoureux de ses personnages.

Les acteurs ont accompli un casting par eux mêmes, à vrai dire, ils m’ont écrit des lettres pour me dire ce qu’ils voulaient jouer et je n’avais rien à ajouter, tellement leurs choix étaient justes.

À l’heure actuelle, la scénographie de « Factory 2 » est dans l’exposition permanente du Musée d’Art Moderne à Cracovie, MOCAK. Il est possible de s’assoir à l’intérieur de ce spot pour visionner des dizaines, des centaines d’heures d’improvisation qui ont eu lieu pendant la maturation du spectacle.

 

AT : C’est le moment où la Pologne était déjà sur la grande vague de joie et de consolidation de la démocratie…

KL : C’était un moment heureux, une nouvelle culture, un nouveau théâtre, je me sentais comme un Pygmalion des jeunes qui sortaient de l’école de Cracovie à cette époque, les adeptes de la mise en scène.

À cette époque, ce qui comptait le plus c’était que l’art, et en particulier le théâtre, puisse connaître son deuxième âge d’or.

Tout cela a été à un moment donné quelque peu gâché par le désintéressement de l’équipe précédente de la Plateforme Civique envers la culture, il faut donc leur reprocher de ne pas avoir soutenu la culture après tout. Bien entendu, cela ne peut en aucun cas être comparé au rôle dévastateur qui a suivi plus tard, à l’arrivée de l’équipe suivante.

 

WK : Juste pour équilibrer, on ne parle pas beaucoup de culture ces jours-ci ?… Je ne connais rien à la politique, mais j’ai remarqué que les nouveaux politiciens parlaient à peine de culture…

KL : Supposons que pour l’instant le ministre Sienkiewicz veuille mettre les choses en ordre, je le comprends. Cependant, ce n’est pas un homme qui devrait rester à ce poste très longtemps. Ce n’est pas un homme qui comprendra d’une manière ou d’une autre ce qui doit être fait en ce moment, dans cette structure, ce tissu profondément malade… ce mycélium malade sur lequel les artistes meurent tout simplement…

 

AT : C’est déjà un sujet énorme et cela ne sert à rien de gaspiller de l’énergie là-dessus pour l’instant, car nous ne changerons pas la situation immédiate et chacun doit faire ce qu’il peut pour survivre dans le bastion de la vérité artistique.

KL : Oui, j’attends ce « vent qui dispersera les nuages de fumée noirs et entremêlés » -comme le chantait Kora- «j’affronterai alors le soleil de face»…

 

AT: Espérons que l’épais brouillard installé dans les esprits des gens finira par se dissiper … Ce qui est arrivé soulève chez moi une pensée, une question … est-il difficile, à l’heure actuelle, d’être un „monstre sacré” en Pologne ? …

KL : Eh bien, ce n’est pas facile d’être un monstre sacré en ce moment… Je ne me suis jamais senti ni, comment dire, présenté comme un monstre sacré. Ce qu’ils ont fait en Pologne et dans quelle mesure ils ont falsifié, démonisé cette affaire à Genève, qui… eh bien, je ne veux pas parler de l’affaire de Genève, jusqu’à présent les acteurs devaient garder le silence sur ce sujet, et pourtant ils voulaient s’exprimer pour dissiper d’une manière ou d’une autre le mensonge généré pour justifier la situation de crise…

Je ne comprends pas, pour être honnête, ce qui s’est passé là-bas et je n’avais pas l’impression d’en être la vraie cause, j’ai été, en quelque sorte, utilisé pour quelque chose.

Le Covid m’a pris 10 jours, je me suis senti terriblement faible… une ambulance m’a emmené du plateau… on tournait l’école à ce moment-là, ces photos à l’école, puis l’ambulance m’a emmené. De toute façon, nous aurions probablement perdu 20 jours… Je suis arrivé en Pologne et je suis resté coincé à l’hôpital. On m’a dit : « Il ne faut absolument pas retourner à Genève pour continuer à travailler, il y a un risque que vous ne vous remettiez tout simplement pas de ce Covid ! »… J’y suis allé pour ne pas perdre de temps, nous n’avons donc perdu que 10 jours … pas la direction du théâtre, mais la direction technique, qui y est son propre maître … Les directeurs artistiques, ils ont tous deux pleuré dans mes bras d’impuissance face à la sourde determination de l’équipe technique… c’était une bagarre, entre ce qui semble être des factions.

Je ne sais pas … les acteurs… maintenant il est possible de parler – les acteurs me disent – „Krystian, tu ne comprends pas le français”… « ce projet est détesté par certains d’entre eux ».

Je demande „pourquoi ?!”… à cause de l’antisémitisme, à cause de l’homophobie…

Les gens de l’équipe technique ne répondaient pas  aux „bonjour” des acteurs. Voici la vérité, mais je ne la comprends pas mieux pour autant.

 

AT : Les syndicats, sont-ils forts en Suisse ?

KL : Là-bas, c’est l’équipe technique qui règne en maître ! Les directeurs artistiques étaient sur le point de partir et n’avaient pas… en fait, le directeur artistique m’a dit : « je ne comprends pas, Krystian, je ne comprends pas ! » – ils ont pleuré tous les deux, et plus tard, quand la directrice générale faisait sa déclaration, elle a dit autre chose… elle a certainement choisi une position qui arrangeait sa politique … je ne sais vraiment pas ce qui s’est passé là-bas … il est vrai qu’à un moment j’ai perdu mon calme, je pensais devenir fou, à cause du manque de temps, à cause de la réticence totale de l’équipe technique à coopérer de quelque manière que ce soit… ces sentiments d’impuissance m’ont débordé par deux fois et j’ai crié.

Je ne traite personne avec mépris… jamais personne.

Ce monstre qu’ils ont fait de moi en Pologne, à partir du rapport des techniciens, généré par un spécialiste de l’image, est un récit fantastique avec lequel je ne m’identifie pas du tout.

Cela m’a donné beaucoup de matière à réflexion, j’ai planché sur mes devoirs et j’ai aussi essayé de me régler mes comptes sans pitié – je n’en parlerai pas…

En marge de ces réflexions j’ai inscrit mes pensées dans mon journal intitulé „L’éthique du but”, les principes qui sont en train de disparaître à l’heure actuelle.

Chaque objectif réunit des gens en une certaine structure dans laquelle la quintessence de l’objectif crée son éthique. L’humanité n’obtiendrait rien si la construction – l’éthique du but – n’existait pas, mais , en ce moment, c’est un concept soumis aux critiques et détruit dans une certaine mesure, annihilé.

Je suis définitivement contre la violence, nous faisons des spectacle sur ça, sur la violence, sur la cruauté humaine !… et je pense que nous avons assez de sensibilité pour le faire…

D’ailleurs, comme tout artiste qui a connu ce que l’on appelle le succès, j’ai vécu une période de ma vie dans un certain confort de culte. Tout m’était ouvert et cela vous habitue définitivement, à cette situation. Vous vivez dans ce confort sans même vous rendre compte que cela peut blesser ou irriter les autres. Surtout quand une personne est tellement occupée, qu’elle est incapable de voir que dans son élan rêveur, elle bouscule quelqu’un, lui inflige des blessures, que quelqu’un souffre, que quelqu’un se sent mal… c’est incroyable, vous savez…

Je répondrai à votre question dans un instant, car la question sonnait un peu différemment et est très intéressante, mais dans le monde polonais, c’était comme si la boîte de Pandore s’était ouverte, je ne m’attendais pas à ce que cet incident prenne une pareille ampleur… Je devais rester silencieux, nous sommes tous restés silencieux pour sauver la première parisienne, donc je n’ai rien dit. Bref, c’est peut-être bien de ne pas participer à une telle vague, n’est-ce pas ? On pourrait dire que vous ne ferez qu’amplifier une telle vague si vous commencez à creuser par là.

En tout cas, des personnes à qui j’ai fait du tort, qui ont été traitées honteusement et brutalement, lors des dernières productions, ont pris la parole… on parlait de la production d’une pièce au Théâtre Powszechny, « Capri ». Le journal „Gazeta Wyborcza” a imprimé le récit d’une assistante qui disait avoir été brutalisée par moi, traitée comme „un chien” – a-t-elle dit – utilisée pour accomplir des actions dangereuses, selon elle… quand nous sommes allés à Capri… diverses choses, des bigoudis et ainsi de suite, et tout d’un coup, vous êtes tétanisé de stupeur, tout d’un coup la consternation vous paralyse, parce que, vous savez, je n’étais pas au courant qu’il y avait une telle assistante là-bas… c’est une des actrices nous l’a recommandé et j’ai accepté, mais plus tard j’ai oublié. Il y a sans cesse beaucoup d’observateurs que je ne reconnais pas tout à fait…

Le fond de cette situation, c’est que je n’ai jamais parlé avec cette assistante je ne lui ai jamais demandé quoi que ce soit, je n’ai pas en mémoire avoir eu un quelconque contact interactif avec cette fille…

Maintenant, j’ai appris que cela s’appelle du ghosting, de la violence par ignorance… alors ils l’ont imprimé dans „Gazeta Wyborcza”, vous savez, sans vérification, parce qu’ils préfèrent croire ce récit là…

Quoi qu’il en soit, la question de savoir si le théâtre peut être une création collective, maintenant appelée théâtre artistique, n’a pas d’importance. Seules comptent les relations humaines, et celles-ci définissent comme violent le fait même qu’il y ait un leader. , que quelqu’un dirige le projet, la créativité doit être cultivée collectivement…

 

AT : Le statut de « monstre sacré » est donc un statut dangereux ?

KL : Je ne le dirais pas de la sorte. Si je fais partie de ces êtres qui ont été nommés ainsi, alors je peux dire que la création d’un tel personnage se produit en dehors de votre conscience.

Si, pour ainsi dire, cette créature est une sorte de figure à laquelle vous n’avez pas accès… tout d’un coup, j’ai senti qu’il y avait un Krystian Lupa auquel je ne m’identifie pas, une figure mythique qui se déchaîne… à ce moment-là, j’ai compris les mécanismes que Stevenson a utilisé en écrivant Dr. Jekyll et Mr. Hyde, qu’une étrange chimère apparaît, appelons-la votre « rebel négatif », un porteur, un calice des haine d’autrui, un crachoir, qui commence à vous accompagner comme une ombre. À l’heure actuelle, chaque prise de conscience compte, cette vague de lutte contre la violence est en cours dans sa première version, elle peut être tantôt bizarre, tantôt grotesque, tantôt dangereuse tel un tsunami.

On sait que toutes les idées justes, comme la bonne idée du communisme, de l’égalité… il y a toujours la première vague de fanatiques… nous avons actuellement affaire à des membres du Komsomol – brandissant cette idée de combat contre la violence – qui sont totalement violents, sans s’en rendre compte, ils sont fanatiques…

Ne nous leurrons pas, nous ne combattrons pas la violence chez l’homme – chez la bête humaine cette violence ne va pas disparaître – même si nous faisons des progrès – du moins en Europe … une certaine prise de conscience, une certaine tolérance… En regardant comment c’était au 19ème siècle, on peut se dire que quelque chose se passe, cela évolue extrêmement lentement, mais chacun de nous devrait en prendre, le prendre pour soi, en profiter – j’essaie d’en profiter moi aussi.

J’ai toujours pensé que j’étais une personne empathique, et finalement, quelque part à l’avant-garde de la lutte contre la violence … soudain,tu te révèles être un personnage empli de brutalité, ou du moins « ton » dr.Jekyll s’avère être un personnage violent… d’abord je me dis : Jesus, Marie ! tu es lésé, tu es une victime, ils mentent ! Mais après tu te dis, « d’accord, tout le monde se défend comme ça, non ? »

Personne ne veut le reconnaître ou se regarder en face. Essaie de le faire pour approfondir et comprendre ce qu’il en était. Pourquoi t’ont-ils détesté à Genève ? Pose-toi cette question, peut-être comme cette assistante… peut-être, tout simplement, tu ne leur as pas donné autant de temps qu’aux acteurs, tu ne leur as pas dit à quoi ressemblait le travail, tu ne leur as pas parlé de tes rêves, tu ne les as pas convaincus et leur as seulement demandé de faire quelque chose dans ton propre intérêt… Celui qui ne comprend pas ce qu’il fait déteste devoir le faire.

Si vous n’impliquez pas une autre personne dans votre rêve et ne lui dites pas où

est le but du voyage, cette personne n’aimera pas votre travail.

 

AT : Monsieur, je vous en prie, tenez compte du fait que le monde est devenu violent partout, tout le monde a des attentes (trop)élevées, c’est induit parle monde de la consommation.

Si vous étiez l’objet de haine, alors tout les gens ont, probablement, exprimé leurs problèmes internes, des frustrations, des insatisfaction – c’était une digression… Est-ce que …

KL : Ce n’est pas la première fois qu’en raison d’une certaine spécificité de cette figure nommée Krystian Lupa externe et qui présente les caractéristiques suivantes : un homosexuel qui a, peut-être, des racines juives -même si je n’en ai pas connaissance- mais je suis perçu comme Juif, car ce sujet m’intéresse et dans mon empathie réside la volonté de m’y identifier, comme dans ce cas.

Après tout, c’est ce que Sebald a fait, à la suite de l’expérience, de ce que sa nation a perpétré.

En l’essence, il à intégré le Juif en lui-même et l’a littéralement (effectivement) adopté comme son fils, s’étant, en quelque sorte, profondément identifié avec la victime de ses compatriotes.

 

Cette interview est également disponible en polonais dans sa totalité.

Cały wywiad jest również dostępny w języku polskim.