Regards

Hélène Jacqz – Inventaire Céleste

Par Théodore Blaise

Cela semble de grands gestes, des baffes de couleurs qui nous laisseraient en bouche l’idée qu’il s’agirait d’abstraction. Évoquer l’orbe que la lancée des bras inscrits, pourrait nous remémorer des moments précis de la modernité : ici et de l’autre côté de l’océan. Moments qui ont bouleversé la peinture et ce qu’on pouvait entendre d’elle comme témoignage de geste, donc du réel et non plus celui de ses apparences, mais convoquer l’Histoire de l’art : voilà une commodité paresseuse. Avez-vous regardé de près ?

Me suis-je appliqué à voir juste, mettre mon attention à remonter le temps de ce qui constitue l’objet de la vision ? J’ai dit de grands gestes, ai-je dit justes ? Tentons la précision, qu’importe d’évoquer le geste ou la trace qui lui semble conséquente ? Parler de l’un comme de l’autre, c’est en venir à l’artiste.

Hélene Jacqz dépose d’un geste, un geste qui se trouve ne plus être le sien tant il est au bout de son bras celui de la matière elle-même. Il me faut peu de mots pour dire l’élan qu’elle prend après un long instant de concentration. Un bond pourrait-on dire, élément d’une danse, ou plutôt d’un rituel, car de toile en toile ce bond qui se répète sauvage, parfois violent tient capturé en lui l’énergie qu’elle y a déployée.

Mais l’interpréter dans cette perspective rageuse, ne serait-ce pas céder à la plus facile des interprétations, aller au plus rapide à ce qui fait expression et s’aveugler dans la facilité de réduire ses éléments picturaux à la seule conséquence de son énergie. Cela ne saurait suffire, car par des fils de l’émotion éprouvée, le corps agissant qui s’est imposé se dissout au profil d’une « chose » qui appartient à l’esprit : au moment d’avant.

Alors il faut être totalement au regard que l’on porte à l’œuvre, pour tout à coup constater qu’un de ses gestes, le plus clair, n’est pas jeté au-dessus des autres, mais vient du fond, émis par un effet de réserve. Ce geste surgit au- dessus de tous les autres qui vont le suivre. Ce qui semble achever la partie de peinture en est en fait le commencement.

Faut-il dire qu’elle use pour ce faire d’un matériau qui ressemble au latex et qu’elle en use comme d’une couleur, mais qui n’en a pas une et qui de coup de gommé, après qu’il aura été recouvert, disparaît laissant apparaître la toile et qui comme avant tout commencement, tient du vide.

Cela ne serait pas sans évoquer le rôle essentiel de Ce “grand vide“ conduisant au “grand calme“ comme Lao Tseu l’évoquait, qui marquera toute la peinture classique chinoise.

Alors n’est-il pas possible de voir les grands gestes d’Hélène Jacqz, non comme des marques lyriques et bruyantes, mais tout au contraire une invitation au sens. Le tumulte harmonieux d’Hélène Jacqz, doit se percevoir telle la calligraphie d’une porte qui ouvrirait par une attentive contemplation, le cœur de notre grand vide intime. C’est dire que cette peinture est vivifiante.

Jusqu’au 17 novembre 2021

Hélène Jacqz
Inventaire céleste
Galerie Area
39 rue Volta 75003 Paris Métro Ligne 3 et 11 Arts et Métiers

Exposition en ligne :
https://www.area-store-paris.com