Au pays de George Sand
Par Mylène Vignon
Tout a commencé par La Châtre, en Berry où nous sommes entrés dans cet étonnant musée de poche consacré à l’écrivaine. Un musée qui fermera ses portes dès septembre 2025 pour laisser place à une structure monumentale dont les travaux s’avèrent colossaux. Les tableaux et les dessins consacrés à la famille Dupin de Francueil, alias Sand, nous sont présentés par des guides très investis dans leur mission et en profonde empathie avec l’auteure de La Petite Fadette et autres romans champêtres, inspirés par cette région. La Châtre, au cœur d’un paysage totalement sandien, nous happe, avec son église de grande ampleur et ses ruelles si hospitalières où la gastronomie nous enchante : pavés feuilletés aux pommes de terre, bonbons de Forestine, le fameux pain Bénit et les incomparables Bichons (chaussons fourrés aux griottes à la pâte feuilletée caramélisée…)
En route pour la maison de Nohan où le passé se conjugue au présent !
L’émotion nous gagne dès l’entrée de la ville où vécut George Sand dans cette Vallée Noire qu’elle aimait plus que tout.
Ici, en ce lieu investi par sa grand-mère où elle est arrivée à l’âge de dix-sept, repartie pour Paris, revenue mariée au Baron Casimir Dudevant, où sa vie très remplie s’est éteinte, elle nous accueille. Du salon où se tenaient les grands dîners avec Frédéric Chopin qui lui avait offert les verres en cristal ocre et bleu, le si émouvant salon de musique où elle écrivait sans relâche, jusqu’à la grande chambre bleue où elle a vécu ses dernières années dans la tranquillité, en passant par l’immense cuisine repensée de manière ergonomique, car elle se souciait de la santé de son personnel, elle est là !
Mais c’est surtout dans le jardin où elle fut si inspirée que nous l’avons vraiment rencontrée. Les pommiers et les tilleuls nous ont murmuré ses lignes. La mare aux diable n’était pas très loin et la féerie du ciel et de la végétation en disent long à ceux qui sont attentifs. Le petit cimetière où elle repose est également une extension très poétique de ce jardin.
Ses enfants Solange et Maurice, sa petite fille Aurore, qui a vécu jusqu’à 96 ans, en portraits sur les murs de la maison, prêtent vie éternelle à ce patrimoine offert à notre découverte.
Le théâtre où Maurice mettait en scène ses marionnettes est accessible, ainsi que la réserve et c’est George Sand qui excellait dans l’art de l’aiguille, qui confectionnait les nombreux costumes. L’on y conviait les amis et connaissances des alentours. Les journée son longues en hiver, explique la jeune descendante du gardien de la maison, très émue de nous faire partager cette histoire qui la touche de si près.
Au lendemain, nous partons en excursion dans le parc des Parelles.
Les fées et les élémentaires nous y ont accompagné, tellement palpables que la fatigue d’une longue marche ne nous a jamais atteintes. Une promenade origenique* où la végétation parle dans un silence bavard.
Marcher entre les mousses et les fougères en empruntant les petits ponts en rondin de bois, regarder les arbres s’embrasser, respirer la terre des gnomes et des elfes, saluer quelques ânes en passant et terminer par la châtaigneraie… que demander encore ?
Visiter le château féodal de Sarzay, construit au VIIIème siècle et acquis en 1982, pour le prix d’une simple maison par le châtelain Richard Hurbain, lequel nous accueille en compagnie de la châtelaine. Un travail d’une vie, passée à restaurer lui-même les tours et les divers bâtiments qui constituent un patrimoine époustouflant. Les poules, le chat et les paons s’y promènent en liberté.
George Sand s’était intéressée à la sauvegarde de l’édifice et y a écrit l’un de ses plus beaux romans, Le Meunier d’Angibault, et un tableau très réaliste représentant les trois tours, peint par son fils Maurice Dudevant, est exposé dans la maison de Nohant Vic, en compagnie d’autres œuvres familiales. À croire que le talent s’hérite !
C’est le lendemain que nous avons décidé de visiter à Gargilesse la petite maison où la romancière se protégeait du reste du monde. Son dernier amour, le graveur Alexandre Manceau l’avait acquise pour elle, mais malheureusement Victor Hugo en avait appris l’existence et l’exil souhaité fut de courte durée !
Nous y avons écouté le jeune et passionné Renan, natif de la région, qui nous a guidées dans les histoires intimes et les légendes de cette maison miniature. Nous avons appris que le parfum de George Sand, Les Nuit, récupéré au fond d’un flacon avait été réédité sur place par Dominique Ropion pour Astier de Villatte. Il se trouve que nous en possédions sur nous un échantillon.
À Gargilesse, une exposition consacrée aux œuvres de femmes, Les Inspirées de la Vallée de La Creuse, a retenu notre attention. Il nous a été donné d’admirer les travaux de Suzanne Valadon, Berthe Morisot, George Sand, Suzanne Lalique, Jenny de Vasson… et beaucoup de jeunes talents.
Dans le village, nous avons déjeuné au restaurant Le George Sand, où j’ai retrouvé par le plus grand des hasards le comédien Yan Pradal et sa sœur Lucie, une amie de longue date perdue de vue. Une super adresse que nous recommandons.
Ce village d’artistes regorge de merveilles, dont une église Romane et des échoppes d’artisans ; bijoutiers tricoteuse, peintres et céramistes, qui se succèdent jusqu’au pigeonnier, où vitraux et fines dentelles nous attendent.
Nous avons avec regrets regagné la capitale en emportant dans nos bagages des souvenirs inoubliables, avec la sensation d’avoir vécu dans un autre espace-temps.
*Claude Mollard, conseiller de Jack Lang à l’Institut du monde arabe, est photographe plasticien, créateur d’Origenes ( figures observées dans les écorces d’arbres et de pierres ). Il est également à l’origine du jardin si romantique de la maison de George Sand où il a séjourné en 1988.
Merci à Sandrine Gauthier pour les visuels