Regards

Camus, la planète et la liberté d’agir

Par Iris Alter

LA PESTE d‘Albert Camus publié en 1947 à vécu une renaissance inattendue depuis la pandémie du Covid 19. Camus y décortique les réactions de l’individu et de la collectivité face à la peur et au désespoir que la peste entraîne : la lutte, l’engagement, héroïsme du quotidien, la réinvention de l’amour, la quête de la condition humaine, mais aussi l’absurdité et les côtés noirs de profiteurs de la misère. Une histoire qui nous paraissait loin de notre réalité il y a seulement peu de temps a soudainement une actualité mordante.

LA CRISE sanitaire et le confinement ont  brusquement  freiné notre vie. Depuis, une avalanche de crises à effet domino nous a privé de nos certitudes et à mis la lumière sur les effets négatifs de la mondialisation. Prenons l’exemple de la crise la plus dangereuse et la plus difficile à contrecarrer,  la crise climatique. Les incidents de météo extrêmes nous rappellent de plus en plus souvent son existence. On constate une accélération imprévue qui semble s’approcher d’un point irréversible pour la survie de l’humanité, mais la réaction autour du globe n’est pas à la auteur du défi. Dans ce contexte, l’humanité est sans doute devenue une famille avec un avenir commun face au climat.
Mais qui a le pouvoir d’agir efficacement?
L’humanité entière est dans le même bateau avec un avenir commun face au climat. Il est donc  impératif de trouver des accords au niveau de la politique globale. En même temps des actions nationales sont incontournables. L’individu pour sa part, au moins troublé sinon démoralisé devant une telle gravité et complexité, pourrait éprouver le sentiment d’une impuissance fatale. De ce constat risque de naître un dilemme, une absurdité. Plus la situation est aperçue comme grave, voir irréversible, plus l’individu tombe dans le piège de l’inaction et du cynisme. Au lieu de prendre activement sa responsabilité dans le combat du siècle pour sa vie et celles des autres, il pourrait se fier aux pouvoirs supérieurs, la politique, la religion, les cercles conspirationnistes ou bien tomber dans l’indifférence, au pire faire obstruction.

CAMUS écrivant la peste sur fond de destruction physique  et morale de la deuxième guerre mondiale qui a laissé l’individu dévasté, arrive à la conclusion contraire. Il n’accepte pas le refus de responsabilité face à la crise et au déclin. Il y voit même une chance et  postule la liberté et le devoir d’un engagement pour une cause choisie  selon sa conscience, la révolution permanente contre le cynisme. Pour lui il ne s’agit pas seulement d’un impératif moral de contribuer au changement inévitable, mais aussi d’une chance de donner un sens à sa vie au lieu de se confier au pouvoirs supérieurs omnipotents ou de se résigner.
Pour Camus vivre est agir! Sa philosophie positive peut nous servir comme source d’inspiration pour mieux maîtriser les défis inédits de notre époque. On ne peut pas nier ou arrêter les changements mais on a le choix entre deux options,  être victime ou bien trouver notre rôle pour faire bouger les mentalités et influencer le monde de demain. Chacun a le pouvoir d’y contribuer.

LES ARTISTES disposent même d’un pouvoir extraordinaire pour influencer l’évolution des mentalités qui est à la base de chaque changement de comportement. Nos œuvres sont des outils qui se prêtent de manière efficace à la sensibilisation. Ils nous permettent d’associer l’appel aux émotions au domaine cognitif au delà des mots. En combinaison avec une esthétique convaincante, étonnante ou bien provocatrice, ils nous mettent à disposition un cocktail explosif à utiliser sans modération applicable dans tout les domaines artistiques.

A titre d’exemple LE VISUEL, SHOPPING BLUES, vise à  éclairer le lien entre notre mode de consommation et l’environnement. Tout les jours le « vote de notre caddie » a un impact  énorme. Consommer différemment, plus responsable, plus sain, moins polluant, consommer tout simplement moins et recycler ce n’est pas seulement possible mais peut rendre plus conscient, plus heureux, donner plus de sens à notre vie. Nombreux sont celles et ceux qui  sont dans la polémique d’une perte de qualité de vie inacceptable imposé par des moralisateurs qu’il faudrait combattre à tout prix. Déjà il y a des chances qu’on n’ait pas le choix. Mais surtout n’oublions pas tout ce qu’on a déjà perdu dans la surcommercialisation de notre mode de vie. Retrouver la joie des choses simples et pures, de la nature dont on fait parti, de la création, du faire soi même, du vivre ensemble … peut être une source de satisfaction formidable.
Au milieu des angoisses sociétales et écologiques donnons envie à l’investissement dans un futur solidaire, constructive et optimiste. Au travail les artistes!

 

Visuel: La mariée de monsieur Bling Bling (technique mixte)

œuvre signée Iris Alter