Regards

Volontaire

Par Charlotte de Maistre

  1. Volontaire est réalisé par Hélène Fillières, réalisatrice confirmée qui mène parallèlement une carrière d’actrice. Ce film dresse le portrait de Laure (Diane Rouxel). Fille d’une actrice et d’un père assez absent, jeune étudiante brillante, diplômée d’un double master Anglais/Russe à la Sorbonne, Laure ne trouve pas chaussure à son pied. Elle postule un peu partout, et intègre la marine au grand désespoir de sa mère, déçue d’avoir « pondu une militariste ».

Pas vraiment le profil pour incorporer la marine : petit gabarit, 1m63, 48 kg, blonde au regard bleu intense, en apparence fragile et douce. Diane Rouxel par la multiplicité et l’excellence de son jeu offre une palette d’émotions à son personnage.

Le spectateur prend part à la ronde et intègre avec Laure, nouvellement Aspirant Baer, la chronique des rituels de l’école de la marine sous les ordres du commandant Rivière.

Pour toucher au plus près de la réalité, Hélène Filières a fait appel à un conseillermilitaire pour la réalisation de cette fiction. Les aspirants doivent répondre « Bien pris commandant » pour manifester la compréhension d’un ordre.

Insoumise, courageuse et déterminée, elle fait sa place dans un monde majoritairement masculin. D’ailleurs, souhaitant participer au stage commando, le commandant Rivières (Lambert Wilson) essaie de l’en dissuader et lui affirme que ce stage n’est réservé qu’aux hommes.

Force et persévérance ne seraient-elles réservées qu’aux hommes ? Alternant des scènes contemplatives et actives, la réalisatrice met en scène les difficultés, les échecs mais aussi les réussites de Laure soutenue par l’aspirant Dumont, incarné par Corentin Fila au jeu tendre et dynamique.

Cet univers clos, coupé du monde civil, en apparence froid et austère est adroitement soutenu par une scénographie géométrique et symétrique rappelant l’ordre et la rigueur de la marine. Une symbiose entre le rythme des plans et l’importance des détails permet de s’immiscer avec passion dans cet univers.

Au sein de cette société, se noue une relation ambiguë entre Laure et le commandant Rivières surnommé Le Moine, glacial et autoritaire. La subtilité de cette histoire d’amour qui n’en est pas, est mise en avant par des regards, renforcés par la vitre qui les sépare, notamment des regards charmeurs et insolents de Laure auxquels Le Moine ne sait comment réagir.

De nombreuses scènes, nettes au premier plan et floues au second, filmées en champcontre-champ accentuent la tension, les jeux de regards mais surtout l’influence qu’exerce Laure sur le commandant. Ni un mot ni un geste ne précisent la nature de leur relation, place à la suggestion et à l’imagination. Au retour d’une cérémonie, ils sont tous deux en voiture, la musique accompagne merveilleusement bien le silence qui est d’or.

Avec grâce et élégance se mêlent la liberté et la contrainte, les sentiments et la raison, l’ambition et la difficulté d’être une femme encore aujourd’hui dans un monde d’hommes.

Un film à voir absolument.

le 28/06/2018