Regards

Sur Niki de Saint Phalle

Par Henri Hugues Lejeune

Il est plaisant, et devenu rare, de voir une grande galerie parisienne suivre, comme avec une sérénité tranquille, « ses » artistes. Pendant leur vie, après leur mort, il semblerait que cela n’a pas ou plus d’importance, pour eux pas davantage que pour nous : l’artiste vit ici, j’oserais dire devant nos yeux.

De son vivant, Niki de Saint Phalle, Franco-Américaine, était-elle une grande artiste ?

Aujourd’hui c’est incontestable mais peut-être avons-nous quelque chose à nous reprocher, nous autres Français.

Nous ne sommes pas qu’un peu enclins à ne pas prendre nos créateurs au sérieux, surtout s’ils sont présents pour en souffrir. Il faut et il suffit pour s’en convaincre de passer un moment dans l’arrière-salle de la Galerie Vallois pour voir Niki nous engueuler copieusement. Et elle avait la langue bien pendue, nous explique que pas un Français ne lui a jamais acheté une œuvre (elle exagère un peu peut-être, elle exagérait toujours dit-on) et qu’il fallait être Américain pour avoir le courage de le faire.

J’aimerais et souhaiterais qu’elle en ait déclaré autant aux Etats-Unis. Elle en était bien capable, elle avait assez de drôlerie, de culot, de folie et de mauvais caractère pour cela, mais je crains qu’elle n’ait eu raison. Elle tient bien sa revanche de toute façon.

Quand une galerie nous présente son artiste, que faire ?

Le problème n’est pas d’aimer ou de ne pas aimer, cela nous regarde ; nous n’avons pas davantage à nous livrer à des exégèses. Ce n’est pas non plus le moment de nous croire au Musée puisque l’artiste est parmi nous.

Et la présence de Niki de Saint Phalle est aussi voyante qu’elle l’était elle-même et aussi éloquente. Ses œuvres sont des affirmations, des illustrations, des discours, des proclamations qu’elle assène davantage peut-être qu’elle n’entend les faire triompher car elle est aussi ironique et masochiste : elle veut gueuler et voir ce qui va se passer ensuite.

Les Nanas n’oublient pas de se moquer d’elles-mêmes. Leur créatrice est tout mais d’abord son propre contraire. Elle affirme mais d’abord et avant tout elle rouspète.
Ce modèle, ce mannequin de mode à la beauté essentiellement classique, racée, aristocratique s’encanaille jusqu aux limites -violées- de la caricature mais sa vulgarité est aussi un snobisme.

Elle avait paraît-il un caractère épouvantable, une mauvaise foi absolue. Pas facile non plus ; très attachante en somme.

Certaines des œuvres présentées ici, les nanas qui n’en sont pas encore mais ont gardé leur prénom, en couleurs douces couvertes presque de dentelle (avant l’intervention du polyester) et aux contorsions savantes, la Marylin qui elle aussi, comme l’héroïne de son prénom, souffre, la « Promenade du dimanche » la Mariée de permanence ont beaucoup de leur côté à vous dire et pas seulement dans la stridence et la caricature, mais elles savent aussi nous murmurer à l’oreille.
Galerie Vallois

Du 8 septembre au 21 octobre 2017
33 – 36 rue de Seine Paris 7e