L’artiste parfait – Le reflet dans l’œuvre de Gerhard Richter
Par Véronique Sablery
En découvrant la grande rétrospective Gerhard Richter présentée à la fondation Louis Vuitton on remarque en parcourant les premières salles un immense miroir (Spiegel, 1981) dans lequel notre reflet est immédiatement happé au milieu des visiteurs et nous intègre ainsi directement dans l’œuvre. C’est l’effet voulu par Gerhard Richter qui, loin de chercher à provoquer, exprime au travers cette œuvre spéculaire non encadrée, ses réflexions sur la notion de tableau. Pour lui la surface lisse du miroir s’inscrit directement dans la réalité et se dissout en elle. C’est ainsi qu’il considère que le miroir est « l’artiste parfait » puisque l’image qu’il renvoie est identique (bien qu’à l’envers) à la réalité qui s’y reflète.
Un peu plus loin dans le parcours de l’exposition, nous voilà à nouveau aspirés par la surface réfléchissante de six vitres transparentes, (Six panneaux verticaux 2002/2011) accrochées devant un mur au moyen de fixations métalliques. Cette fois-ci, notre image n’est pas aussi nette et précise que celle réfléchie par le Miroir de 1981, mais c’est un reflet assez flou de soi-même que l’on voit sur la première vitre et qui se démultiplie sur les suivantes produisant un effet de perspective qui donne une profondeur à l’image qui s’y inscrit.
Une installation de Gérard Richter, très impressionnante, nous accueille dans la salle où est présentée Birkeneau une série de quatre peintures réalisées en 2014, représentant des vues du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkeneau.
Face à ces quatre toiles, quatre immenses vitres peintes en gris. Pris en sandwich entre ces miroirs gris et les toiles peintes, le spectateur devient ainsi partie prenante de l’œuvre dans laquelle son image se trouve plongée.
Ainsi, au cours de la déambulation dans l’œuvre de Gerhard Richter nous sommes amenés à croiser un certain nombre de surfaces réfléchissantes, vitres, miroir, métal poli, qui nous incluent bien malgré nous dans l’œuvre de l’artiste. Magnifique et troublant voyage qui nous interroge sur ce que nous voyons et notre place en tant que visiteur
Si l’affirmation de Marcel Duchamp, « C’est le regardeur qui fait l’œuvre » nous vient à l’esprit dans ce singulier parcours, il semble néanmoins que l’artiste est essentiel dans le dispositif mis en place pour que le regardeur s’y trouve impliqué. Il n’a pas le choix. C’est la puissance de l’œuvre de Gerhard Richter, immense et incontournable, dont le travail sur les miroirs et leur reflet, n’est qu’une petite partie de son œuvre magistrale et protéïforme.
Exposition Gerhard Richter
Fondation Louis Vuitton 44 avenue de Friedland Paris 8e
Du 17 Octobre au 2 Mars 2026.
