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Monumenta 2014

L'Etrange Cité d'Ilya et Emilia Kabakov

La cité des Kabakov est bien étrange : elle nous dévoile petit à petit ses mystères, et nous en propose une ébauche d’explication ; mais c’est bien à notre imagination, et au travail qu’elle lui donne, que la cité donne le rôle principal.

L’entrée dans la cité sait se faire désirer. On commence par faire le tour de ses murs, cherchant le moyen de s’introduire dans l’enceinte, comme si elle ne souhaitait pas révéler ses secrets. Puis, lorsqu’un grand espace se dégage pour nous offrir la porte de la cité, on y est retenu par La Coupole. Inclinée vers l’entrée, elle semble nous montrer le chemin, tout en nous tenant captivés. Au milieu, un orifice déverse la lumière sur les parois aux couleurs chatoyantes, sur le principe des vitraux d’une rosace. Elle peut accueillir en son foyer diverses manifestations: concert, opéra, pièce de théâtre, spectacle de cirque ou un quelconque rassemblement festif qu’elle décorera et illuminera. Ce projet original renvoie à la Gesamtkunstwerk, destinée à rassembler l’art visuel, musical et dramatique.   
On traverse ensuite L’Entrée : une grande porte en pierre, une ruine antique, évoquant la solennité, le besoin de se recueillir. Puis on se laisse entraîner par la luminosité des murailles blanches de la Cité, accueillantes à l’instar des façades des côtes des mers de la civilisation romaine. Dans leur enceinte circulaire, cinq pavillons à thème.

Ces cinq salles qui nous livrent des constructions, sculptures, peintures et lumières, utopiques et mystérieuses. Les Kabakov se sont interrogés sur la condition humaine et sa fragilité, sur les progrès de la science qu’ils confrontent aux croyances anciennes. Pas de préoccupation religieuse dans cet ensemble, juste un enchaînement de questions et de réflexions puissantes, où se croisent le quotidien et l’infini. L’humour, la dérision, le décodage de l’absurde y sont tout aussi présents.
Il y a d’abord Le Musée vide : une banquette très confortable nous invite à admirer des espaces vides, mais joliment éclairés, sur les murs au sons d’une musique douce. Nous voilà clairement avertis : un changement de perspective s’opère.  
Puis nous découvrons les recherches de l’homme pour communiquer avec l’univers. Le pavillon Manas est l’illustration des voies anciennes ; Le Centre de l’énergie cosmique commente les études scientifiques des phénomènes para-normaux. La salle Comment rencontrer un ange représente la quête de la perfection, illusoire mais toujours poursuivie.
Et une pure merveille : Les portails. Au centre de la salle, une double porte en bois grandeur nature, bien ouverte ; autour, 12 peintures à l’huile. Pour un visiteur non averti, elles sont prêtes à jouer à cache-cache, ne montrant que leur jeu de couleurs, de reliefs et de lumière. Prenez le temps de les examiner : des portails se profilent à l’horizon, ou nous font signe, discrètement, dans un coin, savamment noyés dans des cadres pointillistes. Des portails ? Bien plus que ça : des Arcs de triomphe. Une invitation à franchir tous les obstacles et de ne pas se fier aux couleurs illusoires du présent.
Les deux derniers pavillons abordent des thèmes plus terre-à-terre : la Chapelle blanche et la Chapelle sombre font référence aux médias, confrontent les traditions picturales et ses avatars, médiocres face au temps.

Blanche et simple, l’architecture des pavillons, éclairée grâce à la Nef du Grand Palais, joue avec l’ombre et la lumière. Entre la visite de chaque pavillon, les espaces purs de la cité laissent à notre imagination le temps de flâner.
A vous de vous interroger, tout au long de la visite de Monumenta qui nous entraîne dans une formidable aventure.

Camille Bourneuf