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Une excursion dans le labyrinthe du Minotaure

Par Henri-Hugues Lejeune

Reprends ton bâton de pèlerin, Chroniqueur.
Pèlerin donc, le chroniqueur est aussi un ogre. Il dévore ce (et ceux parfois) qu’il trouve puis il poursuit son chemin, dont il voudrait bien, c’est son but secret, faire un itinéraire ; pour parler clairement, il voudrait savoir où il veut aller. La ou les vérités de la vie et celles de l’époque veulent, non seulement qu’il ne puisse le savoir, mais aussi qu’il ne le trouve pas.
S’il ne trouve rien ou peu de chose à se mettre sous la dent, il risque de rester chez lui ou même de devenir critique…
Triste donc il voit surgir rien moins que Picasso ! un sursaut s’empare de lui : c’est maintenant ou jamais, un ogre incomparablement le plus grand et plus redoutable ! D’autant que des Picasso (s) en exposition, il en dévale ces temps-ci de partout.

PICASSO. CHEFS D’OEUVRE !
Au
MUSEE PICASSO
DU 4 SEPTEMBRE 2018
AU 13 JANVIER 2019

Sur la trace de Picasso ? Il est absent ! Il n’est pas là, concrètement, en espèce. Mais toutes les traces, les empreintes, les voies empruntées par lui, ses efforts et ses travers se retrouvent ici, pistés et recueillis dans les insondables réserves du Musée éponyme. La quête est ouverte.
Ce titre désigne les chefs d’œuvre en question et pose la question de savoir ce qu’il en est de la notion de chef d’œuvre. Ils sont ainsi désignés :
1) Le Chef d’œuvre inconnu. La référence à Balzac (dont il a illustré une édition du livre) traverse le tout.
2) Science et Charité. Élève des Beaux-Arts à Barcelone il peignit ce tableau, une grande toile classique sur la vie médicale et surtout ayant son père pour modèle (le médecin). Un portrait de ce père est montré à côté, une tête de vieillard (peut-être l’était-il déjà) telle que de lui-même traitait Rembrandt, foudroyante, à 16 ans !
Comme dans « Le Bateau Ivre » où Rimbaud, au même âge, contemple Victor Hugo voire récidive dans le sonnet, un peu plus tard sans doute, des « Voyelles ».
Quand, au fait, prononcera-t-il, face à son miroir « Io soy Picasso » inversant le problème ?
3) Les Demoiselles d’Avignon, en vue d’exploser définitivement le cubisme, dès l’aube, dans l’œuf : les innombrables essais, tentatives, études, maquettes de ce parcours.
4) Les Arlequin « double nostalgique de l’artiste » nous dit-on, incarné dans celui-ci par son compatriote, peintre de dix ans son cadet, Jacinto Salvado (1892-1983) que j’ai connu en 1981 ou 2 ? où l’on intriguait pour qu’il convole en justes noces, ce qu’il fit. Il avait parait-il un caractère difficile, très jaloux. Il avait connu tout Paris, peignait à la fin de sa vie très abstrait, moins intéressant peut-être que jadis après avoir mangé sa part de vache enragée.
On isole encore dans cette Exposition Les Baigneuses, les Femmes sous toutes leurs formes ou du moins quelques-unes, leurs incarnations, la Danse, les objets, les sculptures…
Ces diverses pistes se suivent, s’entrecroisent et jouent les unes avec les autres jusqu’au moment où se détache, s’impose, se surimprime le vrai titre de l’exposition, où chacun pourra trouver son bonheur, recréer son Picasso : ce labyrinthe où il voulait être, où il voyait sa « vraie » représentation, celle du Minotaure.