Lettres

François Cheng Une nuit au cap de la Chèvre Albin Michel

Par Ghislaine Lejard

Une invitation improbable et François Cheng va découvrir, en Bretagne, le Cap de la Chèvre, un bref séjour en «  ce point extrême de la terre d’Occident » face à l’Océan.

Une nuit de solitude, face aux éléments qui se déchaînent, «une nuit inattendue », alors l’urgence de dire en humilité et simplicité «  ce qu’il y a de spécifique dans le fait d’être un humain, afin que le sens et la dignité de sa destinée soient, si possible, affirmés. ».

François Cheng revit, redit ce que Pascal a ressenti, en ses mots à la tonalité pascalienne : « Alors que le cosmos ignore sa propre existence, la Vie, elle, vécue par nous est douée de conscience. » « Je prends soudain conscience que nous sommes, à notre niveau, l’œil ouvert et le cœur battant de cet univers. Si nous sommes à même de penser l’univers, c’est que véritablement, il pense en nous. »

Alors que François Cheng approche de ses 100 ans, cette méditation incarnée fait face à la mort, alors même que notre société moderne « refuse de dévisager la Mort en sa vérité ».

Les mots de François Cheng font écho à ceux d’un autre poète Rainer Maria Rilke :« la Mort est un Ouvert, elle donne accès à la transformation. »

Une méditation qui se réfère à la mort du Christ, une mort qui « ouvre la Voie à la Vie qui ne périra plus », pour François Cheng le christianisme rejoint le Tao : « Celui qui cède à l’amour en se donnant au monde, à lui sera confié le monde ».

En ce point de l’Extrême Occident, il rejoint l’Extrême Orient d’où il est venu. Sa vie fut un parcours intime qui a relié deux grandes cultures et il n’a cessé d’être dans la Voie.

Cette méditation, c’est aussi une réflexion sur la poésie et le rôle du poète ; la poésie occidentale antique et le mythe d’Orphée rejoignent le poète chinois Qu Yuan qui tel Orphée, monta dans la sphère céleste et descendit au royaume des ténèbres.

François Cheng nous offre des poèmes de Vie, de mort et de lumière.

Vraie lumière

Celle qui jaillit de la Nuit

Et vraie nuit

Celle d’où jaillit le Lumière

(…)

Nous entrerons dans le Verbe divin

Nous épouserons son Souffle prophétique.

Tout ce qui est de Vie sera repris,

Au sein du nouveau cercle concentrique.

En cette nuit au Cap de la Chèvre, François Cheng nous redit qu’il n’a rien oublié de ce qui fut son chemin, entre errances et rencontres, entre ombre et lumière, entre remords et gratitude, entre précarité et confiance. Il sait nous dire que rien ne se perd et que tout est sauvé pour que : «  d’âme en âme, la chaîne des frémissements partagés ne soit pas rompue, pour que tous les trésors accumulés soient sauvés. »

François Cheng : écrivain, poète, calligraphe français d’origine chinoise, membre de l’Académie française depuis 2002.