Decouvertes

La chronique gastronomique n°8 d’Antoine Benouard

Clinique gastronomique dans le 14ème

Il y a différentes façons de se soigner. Les uns pratiquent le sport, d’autres suivent des thérapies, d’autres encore absorbent des médicaments. Pour ma part, j’ai choisi La gastronomie. Ou si l’on veut la bonne bouffe. Alors, si vous-même êtes malade d’amour, d’ennui ou de mélancolie, je vous invite à tester le remède.
Prenez donc d’abord rendez-vous dans cette clinique aux allures d’auberge provinciale, perdue dans une petite rue du quartier Alésia, bien reposante, avec, à l’intérieur, des tables suffisamment espacées pour qu’on n’entende pas la parole des autres. Dès l’entrée, on s’y sent bien, comme à la campagne, sans compter le charme de l’infirmière en chef qui vient vous accueillir de sa longue silhouette et avec son plus beau sourire, même masqué. Ensuite, il faut vivre l’expérience jusqu’au bout. Et pour vous convaincre, je vais vous raconter la nôtre.
Lorsque nous y fûmes, ce vendredi soir-là, nous avons entamé assez rapidement un soyeux sirop de Rasteau de la meilleure cuvée qui nous accompagna avec amitié et tact tout au long de la cure. Cette compagnie gouleyeuse se révéla très bénéfique pour notre santé mentale et philosophique.
Je commençai pour ma part l’agape par un délicieux pressé de queue de bœuf au foie gras parfumé au cassis. Une merveille. J’en aurai bien pris une deuxième dose. Mais point trop n’en fallait. Mon ami, lui, prit l’œuf de poule à 63°, lune au milieu d’un crémeux de topinambours, que je goûtai aussi. Très très bon. Après la dégustation de ces deux premières médecines au goût raffiné, nous nous sentions encore mieux.
J’enchaînai par des Saint-Jacques venues spécialement de Dieppe pour moi, posées tels des diamants sur un risotto, beau comme un bras (le risotto), cuit à point, tandis que mon ami osa la pièce de cochon aux frites maison qu’il m’invita à goûter. Je dois dire que ces frites maison valaient leur pesant de comprimés. J’en ai goûté deux, puis déjà, j’en avalai la moitié dans l’assiette de mon ami qui commença, sans doute pour en garder quelques-unes, à m’alerter sur les effets néfastes du surdosage.
Nous terminâmes, à la façon des apôtres, par le partage du pain perdu (recette de la grand-mère du chef, m’a-t-on dit) qui constitua en soi un régal et sui generis la conclusion délicieusement caramélisée de ce repas hautement thérapeutique.
Quasi guéris, et heureux de vivre, nous demandâmes alors, après avoir remercié le ciel, la médecine et la patronne, l’addition.

L’Ordonnance, 51, rue Hallé, 75014, Paris. Tél. 01 43 27 55 85
Compter pour les soins autour de 50 euros par personne avec le vin.