Ma vocation, moi boule de billard.
Par Monique Stalens
C’est sur le mur de ma chambre : « La vocation n’est qu’un choix persistant »… Où est-il le
choix de la boule de billard ? Pour moi, ma « vocation », n’est qu’une suite de rencontres,
moi, boule de billard. J’ai eu besoin de chance, de miracles.
Au départ, j’ai vu Jean-Louis Barrault, dans « Hamlet », traduit en français.
J’ai quatorze ans. Mon grand-père français a interdit qu’on me parle polonais, cette langue
imprononçable.
Dix ans plus tard, avec mon ami rescapé de la Roumanie de Ceaușescu, on monte des
spectacles pour enfants. Il m’apporte « Ferdydurke » qui vient d’être traduit du polonais.
On dirait que l’Éducation Nationale, pour qui j’ai signé un papier, m’envoie faire ma
« Révolution Culturelle » à la campagne ! Treize ans de professorat…
Je prends un mi-temps. Je monte des spectacles avec les élèves devenus étudiants :
j’organise un Festival Gozzi-Hoffmann, un été Alfred Jarry… Nous formons un groupe
décentralisé « à la Grotowski » dans le Loir et Cher.
De là, par miracle, oui, c’est bien par miracle, je deviens « Intermittent du spectacle »
(comédienne) puis « intervenant artiste » (prof de théâtre) dans des classes-bac-théâtre à
Lyon.
Et à la fin des fins, au bout de treize ans, je renonce au Loir et Cher et je « remonte » à
Paris.
Dans des stages, je rencontre Ludwig Flaszen, Przemek Wasilkowski, compagnons de
Grotowski, Alain Maratrat, Yoshi Oïda, de la troupe de Peter Brook…
Mon spectacle : « Ferdydurke » qui a marché très fort à Lyon et à Normale Sup de la rue
d’Ulm, permet à la boule de billard de rencontrer Rita car son mari Gombrowicz est à la
mode. Grâce à elle, la boule de billard découvre un groupe de jeunes Polonais, (surtout
des Polonaises), qui vont jouer sous ma direction : « Les Cordonniers » de Witkiewicz.
Appartement-miracle, de nouveau, à Paris, avec un grand salon où j’ose organiser des
spectacles. Là je monte en bilingue, Gombrowicz, Witkiewicz, Dostoïevski, Babel,
Ehrenbourg, Bruno Schulz…
Ma concierge porte plainte… Condamnée à une amende ! « Vieille dame indigne, dit
Monsieur le Juge. »
Maintenant j’ai appris le polonais et nos spectacles sont joués aussi en langue originale à
Montreuil, à La Guillotine, à Czestochowa ma ville natale, à Cracovie, à Varsovie. En
Ukraine, à Drohobycz au Festival Bruno Schulz. Là-bas, j’obtiens un « Prix Witkacy ». Le
consulat polonais nous aide. Le « Magasin » de Malakoff accueille notre spectacle
Gombrowicz intitulé « Ah ! Je crie quand la machine m’écrase ! »
Nouveau projet : Franz Kafka. Autour de la « Lettre au Père »… Pour 2018… Toujours le
même problème de disponibilité, heureusement que nous avons la possibilité d’utiliser la
MPAA… Nouvelles rencontres pour la boule de billard. De solides éléments masculins…
En plus de la base féminine. Ça lui donne l’envie, le plaisir de continuer. Je suis la boule,
pas celui qui pousse la queue de billard.