Regards

Pendant le Covid 5ème

Par Pascal Aubier

Plongée dans le bonheur. Nous avons revu Key Largo du grand John Huston avec les non moins grands Humphrey Bogart, Lauren Bacall et Edward G Robinson.
Je pourrais en rester là, le film est tellement connu, reconnu. Mais quelques chanceux ne l’ont pas encore vu…
Un film noir, tout au bout de la Floride avec gangsters, super femmes et ouragan. Un hôtel tenu par un vieil invalide en chaise roulante (Lionel Barrymore en come back) et sa sublime fille Lauren Bacall. Un client de passage, Humphrey Bogart débarque au milieu d’une situation terrible : un gangster célèbre et sa bande débarquent de Cuba avec de la fausse monnaie. On est dans le classique, en un jour en un lieu, un seul fait accompli (tiennent jusqu’à la fin le théâtre rempli disait-on sous Louis XIV). D’ailleurs le film est tiré d’une pièce éponyme. Le personnage de la maîtresse de Johnny Rocco (Robinson) est joué par Claire Trevor qui déménage bien elle aussi  (Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle 1949).
Un huis clos donc fracassant et une réunion de talents à faire monter sa pression artérielle. Non, je ne vais pas raconter, mais que l’on sache que Key Largo, le quatrième et dernier film tourné par le couple Bacall/Bogart, est la grande référence du film noir. Avec Le Faucon Maltais du même Huston et avec le même Bogart qu’on va tâcher de revoir ce soir… Vous voyez, on ne s’emmerde pas.
Et on a très bien fait. Le Faucon Maltais a tenu ses promesses, étrangement ce film a la réputation d’être incompréhensible. Pourtant cela nous est paru très clair. Adapté du roman éponyme de Dashiell Hammett, sans Lauren Bacall, mais avec une éblouissante Mary Astor. Cela se passe à  San Francisco. Une femme, Astor évidemment, arrive dans le bureau des détectives Samuel Spade (Bogart) et Miles Archer(Jerome Cowan). Elle souhaite qu’on retrouve sa sœur qui, soi-disant, aurait fugué avec un certain Floyd Thursby. Archer est assassiné dès le début de son enquête ainsi que Thursby. Les soupçons se portent dans un premier temps sur Sam Spade qui a une liaison avec la femme de son collègue défunt. En fait, tous ces meurtres tournent autour d’une mystérieuse statuette d’un faucon, qu’une bande d’aventuriers sans scrupules cherche à s’approprier par tous les moyens… À la tête de cette bande, le terrible Kasper Gutmann (Sidney Greenstreet). Autre personnage de première grandeur, Cairo interprété par Peter Lorre. Un plateau comme on les aime quand on aime le cinéma noir. Premier film de John Huston qui plante lumière  et cadres un peu à la façon des expressionnistes Allemands et sera aussi un modèle pour Orson Welles.
Avant d’aller se coucher – on m’a dit qu’il y en avait qui ne sortaient plus de leur lit – on s’est passé Pulp Fiction de ce Tarantino. On avait vu le film à sa sortie. Il y a vingt-six ans …Palme d’Or à Cannes en 1994. Cela n’a pas l’air vrai, sommes-nous déjà si vieux ? Moi, en tous cas oui, vraiment vieux, même si j’ai le sentiment intime que je suis le même, absolument, qu’à vingt-cinq ans. Bon, pas quand je me regarde dans la glace le matin… Pas non plus si je dois courir après le bus, mais dans ma tête, je n’ai pas bougé, me semble-t-il. Ce qui fait que tous les attributs de la vieillesse me semblent des parures trompeuses, un déguisement, des ornements pour arbres de Noël. Bref, plus de vingt-cinq ans ont passé depuis la sortie du Tarantinon, ce qui veut dire que les acteurs et les techniciens, les filles comme Uma Thurman, Rosana Arquette et Maria de Medeiros ont vingt-cinq ans de plus aujourd’hui. Des vieilles personnes. Ce qui est tout à fait délirant.
On ne pense pas la même chose lorsqu’on revoit Bogart et Bacall qui sont morts il y a bien longtemps. Ils sont fixés dans le noir et blanc. Est-ce la couleur qui nous fait paraître les acteurs plus jeunes, plus proches ? J’ai l’impression d’être engagé sur un délire un peu con, pardon. Enfin, même si cela n’a rien à voir avec rien, Bacall et Bogart, pour faire face au Comité des activités-américaines du sénateur dégueulasse  McCarthy, deviennent membres du Comité pour le premier amendement (en faveur de la liberté d’expression), aux côtés notamment de John Huston et William Wyler. .  En 1999, Bogart mort en 1957 est classé par l’American Film Institute comme étant la plus grande vedette de cinéma masculine de tous les temps. Et Lauren Bacall qu’on a pu garder jusqu’en 2014 demeure la plus belle femme fatale des mêmes temps dans la mémoire de tous. Née dans le Bronx de parents Juifs de Bielo Russie, elle s’appelait Betty Joan Perske ce qui sonnait moins bien que Lauren Bacall. Une grande dame.
Mais revenons-en à Pulp Fiction qui est un film noir hilarant. John Travolta est capable de tout et son comparse black, Samuel Jackson (beaucoup de noirs Américains portent des noms de Présidents, vous le saviez ?) le tueur à la bouche pleine de Bible est sensationnel. Bruce Willis et Maria de Medeiros forment le couple le plus inattendu et abracadabrant du monde. Bref on n’arrête pas de rire sous les balles de 45mm et les litres de sang. Ce qui est bien agréable, mais il est recommandé d’aller prendre un bon bain après que le film soit terminé.