Regards

Sarah Bernhardt – Quelle Merveille et dans son cadre

Par Henri-Hugues Lejeune

De tous côtés,  ici elle se rappelle à nous. Les souvenirs qu’elle nous a préservés, s’entassent, les marques qu’elle a apposées sur son époque, les objets qu’elle a laissés, souvent qu’elle a créés elle-même, dont elle s’entourait et qui par tous leurs aspects, émanaient d’elle.

Jusqu’au porte-manteau créé par elle-même, portant fièrement sa devise : « Quand même ! »

Des tableaux d’elle par ses amis, de la Diva qui la représentaient sous toutes sortes d’aspects, des bustes aussi, qu’elle avait sculptés avec une technique parfaite, peut-être avec leur assistance ? Des tableaux de Louise Abbéma, l’une parmi elles, qui la représentent.

A-t-elle inventé le culte des stars : sans doute pas,  mais bien l’art de le pratiquer à son propre égard !

Au Petit Palais donc, en ce Paris, où elle naquit bien sûr, où elle mourut aussi, voici donc cent ans.

 

Nous sommes admis dans cette exposition à fêter en elle une suprême incarnation de ce Paris, dont elle fut une fleur parmi les plus éclatantes, qui y naquit et y mourut aussi star internationale, son port d’attache, à l’éclat mondial.

Elle y était née le 27 octobre 1844, une fleur des pavés, fille d’une « courtisane », jolie juive d’Amsterdam dite Youle devenue une cocote de haut vol, à peu près sans père si l’on peut dire.

En pension et au couvent, où on la nomma « La Négresse Blonde », douée d’une excellente mémoire, elle s’essaye dès l’adolescence à déclamer du Racine. Le Duc de Morny, vieux viveur habitué du salon maternel, l’apprécia et incita sa mère à la faire entrer au Conservatoire en 1860 et deux ans après à la Comédie Française où elle joue Iphigénie ou Les Femmes Savantes. Elle rue dans les brancards, fait des siennes, se querelle de toute part et se fait renvoyer deux ans plus tard.

Elle y reviendra dix ans après pour interpréter Racine et Dumas père…

Elle investit alors l’Odéon, y triomphe avec François Coppée, émerge définitivement, soignera là les blessés de la guerre de 1870… Elle sera, dorénavant, définitivement, une Star et élargira en tous sens cette future notion de la Modernité.

Victor Hugo lui offre le rôle de Dona Sol dans Hernani, de Dona Maria dans Ruy Blas…

 

Sa voix d’or conquit le monde entier, ses auteurs la hissèrent sur le pavois, qui leur rendit bien la pareille… Leur liste constitue le Gotha de la plume alors, Victor Hugo en tête, Jean Richepin qui avait l’alexandrin facile, occupait la scène et fut son amant… Volontiers transsexuelle, elle joua Hamlet et Lorenzaccio aussi bien que Jeanne d’Arc, sera l’interprète créatrice de l’Aiglon…Elle fera des tournées à grand fracas, jusqu’au tréfonds de l’Amérique…

Redoutable femme d’affaires, elle affichait ses gouts, la publicité de ses fournisseurs, en bref inventa la « Star Moderne » dans tous ses aspects…

Si vous écoutez l’un de ses enregistrements, au-delà bien entendu du problème de sa qualité encore balbutiante, vous comprendrez que l’évolution de la civilisation aussi bien que les progrès de l’audiovisuel ont détourné à jamais d’une variété de déclamatoire, d’un ton et d’une emphase probablement voués à l’oubli mais dont jadis dans mon enfance j’entendais encore quelque traces d’amphigouri dans les tirades des Sociétaires de la Comédie Française d’alors…

Musée de Paris – Petit Palais.