Lettres

La parallèle lumineuse d’Esther Ségal

Par Cybèle Air

De l’oreille à l’œil, la distance se joue dans le timbre, la voix tenue et chaleureuse, le ton pétillant, et pour l’œil, le silence de la lecture, la liberté du rythme, l’aspiration au point d’orgue, pour réfléchir. De l’oreille à l’œil, la distance se joue dans la lenteur. Les émissions radio d’Esther Ségal sont d’abord des textes écrits, savants, mais écrits pour être proférés. Leur musique en volutes, leurs tours et retours, conceptuels et méditatifs, laissent l’auditeur avide de la prochaine émission, et désireux d’un silence : faire silence après un tel voyage. Une sélection rassemblée dans le recueil Le sentier des étoiles, met à portée d’yeux, le texte mystique d’une artiste érudite et libre.

Il commence avec trois émissions qui posent la méthode, le but, et l’action de l’ensemble. « La langue des oiseaux » comme méthode, plonge au cœur du langage : ses étymologies, ses glissements, sa fantaisie. Ces mots qui font le délice des psychanalystes et qui guérissent des maux. « La légende du Graal » comme but, indique la quête, celle d’un au-delà qui requiert courage, détermination, désir, un au-delà que l’on croit perdu et qui pourrait être tout proche. « La porte » comme action, désigne la parole portée par Esther Ségal, qui produit en acte un passage, une transformation de l’auditeur et du lecteur dans le voyage qu’elle initie.

Se succèdent alors les étapes de cette aventure. Si Venise reste la plus haute proclamation humaine, la tentative la plus émouvante des hommes, l’aspiration à la beauté la plus radicale, alors l’existence même de Venise, menacée et combattante, sereine et resplendissante, éclaire Le sentier des étoiles. Esther Ségal repère dans le foisonnement des cultures, cette même aspiration humaine à la renaissance et à la beauté. Les mythologies, les religions, les arts concourent dans le dédale de leurs différences, à approcher et à révéler un lieu hors temps et hors espace, une parallèle lumineuse.

Mais l’artiste libre de ses références multiples nous prévient : « Prendre le risque de partir, de perdre son centre, sa terre natale, son île, c’est aussi frayer avec la mort, …». Voir le terrible, dans « Le labyrinthe », pour « Au-delà », entendre « Le son » de l’éther. Les photographies d’Esther Ségal, écritures de lumière, accompagnent notre lecture. Ce livre inclassable et précieux est plus qu’un livre : une expérience ascensionnelle.

  • Esther Ségal, Le sentier des étoiles, Chroniques de l’émission « Plaisir d’écrire », Editions Saisons de Culture, 2019.
  • L’émission radiophonique « Plaisir d’écrire », d’Esther Ségal, sur Fréquence Protestante, 100.7