Lettres

Sous le Signe du Poulpe

Par Henri – Hugues Lejeune

N’était-il pas largement temps pour l’Art Brut de prendre la place qui lui revient dans l’Art contemporain ?
Bon diable, il a attendu devant la porte tant que l’on voulût et quand le moment en fût venu ou qu’il jugea bon d’entrer : cela certainement va-t-il se discuter, eh bien il se mit en mesure de la phagocyter, à moins que ce soit l’inverse qui est en train de se passer.
Si l’on cherche à fond, en parcourant ces temps-ci les galeries et les espaces du LAM (Lille, Musée d’Art Moderne), on se pose sincèrement la question et l’on ne saurait manquer de s’inquiéter du dessein ou de la volonté des promoteurs de ses présentations actuelles.
Elles sont toutes, nommément ou pas, configurées actuellement sous le signe, les auspices, la morphologie de la pieuvre et elles la revendiquent.
Elles placent sous les auspices et la morphologie de cet intéressant animal, tant leur présentation, la configuration et l’imbrication de leurs salles que le déroulement du programme et du parcours de ses visiteurs.
L’art « Brut » ne se contente pas de s’emparer de sa proie, il entend la phagocyter c’est-à-dire proprement la digérer, en faire sa substance.
A cette fin, le Musée a fait appel à la Star Culturelle de l’émigration des « Gens du Nord », Laure Prouvost elle-même.
Nulle plus qu’elle n’est « Du Nord » et nul ne s’en est moins soucié.
Il est vrai que jusqu’à présent, les vedettes, les éventuels transfuges vers l’art et la culture des représentants des « grandes familles du Nord » étaient rarissimes, pas plus que les curés parmi ces grands catholiques !
En somme, il n’est pas tant question de présenter ici l’art brut mais d’ores et déjà de l’installer dans les différents domaines de l’art moderne qui sont bien entendu fort loin à présent de se répartir entre sculpture, peinture, architecture, décoration etc., lui qui justement entendait jusqu’alors n’en pas tenir compte, voire les fouler aux pieds.
Sans parler ici littérature qui était d’ores et déjà foulée aux pieds par ces grands bavards d’artistes bruts, après le couac littéraire présenté par le Surréalisme.
Mais il est indéniable, il sera peut-être dorénavant possible de s’interroger plus avant et de commencer à répondre en sortant de cette définitivement dérangeante exposition, que la perception de la vie, du monde extérieur, du mode suivant lesquels les aborder, se trouvent en question et nous-mêmes vis-à-vis d’eux.
Le monde moderne s’est métamorphosé de lui-même, c’est indubitable : est-ce avec phagocytose de la perception que l’on en peut avoir ?
Ne sommes-nous par trop écartés de ce que nous présentaient quelques salles muséales au sein d’un itinéraire réalisé et conçu en ce LAM ?
Il est vrai que nous avions avec nous un cicérone qui n’était autre que le père de Wim Delvoye
Qui serait parmi les plus actifs nageurs en ces eaux si troubles !