Portraits

Anna Marchlewska

Entretien avec Mylène Vignon

Anna Marchlewska est photographe et graphiste. Elle a créé en 2011,  le mouvement Les Amazones, réunissant au fil des jours, des semaines et des ans, des femmes aux parcours atypiques. D’origine polonaise, elle travaille sans relâche et parcourt le monde, dans le but d’y trouver de nouveaux sujets à immortaliser de son art.

Entretien

Chère Anna, quel a été ton cursus pour en arriver à ce résultat ?

Le corps humain et le portrait sont au centre de mon travail depuis mon adolescence polonaise. En dehors de la photographie, je dessinais des nus et réalisais des portraits dans l’atelier du peintre Ventzislav Piriankov. Quand je suis rentrée aux Beaux-Arts de Paris, j’ai passé beaucoup de temps dans l’atelier de peinture figurative de Pat Andrea. Ensuite, je me suis tournée vers l’installation vidéo et c’est Barbara Leisgen qui a défendu mon diplôme.

As-tu toujours été intéressée par la photographie ?

Depuis mon plus jeune âge, je rêvais de devenir photographe. Au lycée, je photographiais ma meilleure amie, mannequin à l’époque, avec l’appareil photo russe argentique, Zenit, de mon père. Ensuite j’ai découvert la chambre noire installée dans la cave d’un ami. La photo argentique est restée essentielle pour moi pendant toute la période des Beaux-Arts même si j’avais envie de m’ouvrir sur d’autres techniques.

Quel fut l’élément déclencheur qui t’a permis de te consacrer à cette discipline ?

Lorsque pour la première fois à l’âge de 14 ans, j’ai ouvert un magazine et découvert les photos de David Lachapelle, j’ai été vraiment impressionnée. C’est à ce moment-là que je me suis dit que je voulais être comme lui et créer de la beauté et du rêve.

À quel moment as-tu fait une place au graphisme ?

Le graphisme est arrivé très tôt aux Beaux-Arts où j’ai appris tous les logiciels. Après mon master, je ne me sentais pas suffisamment mûre pour devenir de suite une artiste. Je me suis alors orientée vers les marques de luxe et de mode comme graphiste et photographe. J’ai fait mes preuves pendant 8 ans avant de me lancer à mon propre compte.

Quels sont tes maîtres en matière de photographie ?

J’adore d’une manière générale les femmes photographes qui ont une forte sensibilité et un côté humaniste. J’adore Diane Arbus pour son travail sur les minorités et Nan Goldin pour l’intimité qu’elle sait créer avec ses sujets. Il y a aussi Annie Leibovitz qui m’a toujours impressionnée par ses idées créatives et sa technique.

En matière de Graphisme ?

En graphisme, je suis attirée par l’élégance parisienne et la haute couture. Je m’inspire de Chanel, Yves Saint Laurent ou Dior. Ma grande devise est : « less is more ».

En matière d’art en général ?

Très jeune déjà, je m’intéressais énormément l’histoire de l’art. En voyant pour la première fois des Van Gogh à Paris j’ai eu des larmes aux yeux. Aujourd’hui, je suis attirée par beaucoup d’artistes contemporains. J’adore Bill Viola, Christian Boltanski, Giuseppe Penone, David Hockney, Basquiat ou Warhol. Quand je rentre au Centre Pompidou, je me sens comme un enfant dans un magasin de jouets…

Dans le mouvement Amazones, tu sembles en osmose avec les femmes de tes portraits (j’en sais personnellement quelque chose)  comment les découvres-tu ?

Les Amazones me sont la plupart de temps présentées par d’autres Amazones. Les femmes se sentent vraiment mises en valeur en jouant le jeu et en se mettant devant mon objectif. La confiance s’installe très rapidement. Chaque portrait est une nouvelle rencontre et une nouvelle aventure pour moi. La plupart du temps je découvre mon modèle et son lieu de vie ou de travail le jour de la séance photo. L’improvisation, la créativité et l’écoute de l’autre sont mes plus grands atouts.

Quelles ont été tes rencontres féminines les plus incroyables ?

Je resterai toujours impressionnée par la rencontre avec Mériam Amara, « ouvreuse des champs des possibles » comme elle se définit. Mériam est aveugle depuis son plus jeune âge, mais rien ne semble l’empêcher de vivre à deux cents pour cent. Elle court des marathons, fait du ski et pilote même des avions. Son portrait a été réalisé chez IBM où elle occupe un poste de responsable de marketing.

Quel serait ton rêve le plus fou ?

Je voudrais photographier quelques célébrités pour faire parler davantage de mon projet. Parmi les Amazones, je vois bien Julianne Moore, Sophie Marceau, Björk, Alanis Morisette ou Uma Thurman…

Mon rêve serait aussi de créer un festival des Amazones où les femmes pourraient exprimer pleinement leurs talents et se mettre en valeur. Un peu comme pendant Les Soirées des Amazones que j’organise annuellement, mais à une plus grande échelle…

Une petite histoire d’Amazone inédite à confier à Saisons de Culture ?

Toutes les histoires d’Amazones sont publiées sur Tumblr et Facebook. Par contre ce que je ne raconte pas ce sont les histoires des séances photos.

Par exemple, pendant la séance photo de Maryse Wolinski, il y avait une équipe de tournage qui filmait notre shooting en direct en me rendant très nerveuse. Au final, ils ont coupé toute la partie concernée.

La séance photo la plus difficile était celle avec Hélène de Vallombreuse. « La femme – oiseau » était assise sur un cheval de cirque qui n’avait qu’une idée en tête : partir. Le perroquet sur la tête -un petit nouveau- , n’était pas encore très obéissant et j’étais obligée de lui parler pour attirer son attention.

J’ai eu aussi très peur en photographiant Wally Bajeux au théâtre du Gymnase. La comédienne / metteur en scène s’est mis à marcher en talons aiguilles sur la rambarde du balcon au premier étage du théâtre. Moi-même j’étais debout sur la scène sur une chaise très bancale. J’étais ravie du résultat, mais soulagée quand la séance était finie…

Quels sont tes projets pour 2020-21 ?

2020 a commencé fort avec le Salon Comparaisons au Grand Palais où j’ai exposé mes œuvres de la série Elle. Le 8 mars j’interviens en tant qu’artiste et fondatrice des Amazones pendant la conférence organisée à l’occasion de la journée des femmes à Gdansk. C’est pour la première fois que les Amazones seront montrée dans le cadre d’une exposition à l’étranger.

En avril, j’exposerai également à Tahiti dans le cadre de l’exposition « Mona Lisa TAPA tout dit ». J’y présenterai mon travail photographique de la série Elle.

Bien évidemment, d’autres projets sont en cours de discussion…

Sur le plan professionnel, je suis en train de finaliser mon site web orienté vers la communication visuelle pour de l’évènementiel, AM Event.

Une maxime ou un dicton, qui sera le mot de la fin…

Sur le mur de mon appartement j’ai accroché une citation de Jacques Prévert que j’aime beaucoup : « Il faudrait essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple. »