Portraits

Mona Ayoun et Jacky Kooken – La muse et le sculpteur

Entretien avec Mylène Vignon

J’ai rencontré ce couple désormais mythique, au Centre Culturel Christiane Peugeot, dans les années 2000. Elle, écrivaine et journaliste. Lui, sculpteur et essayiste. Avec un humour et une tendresse sans cesse renouvelés, ils m’enchantent à chacune de nos rencontres.

Jacky : Il faut rendre à César ce qui appartient à César mais c’est lors d’un vernissage à la galerie AREA d’Alin Avila, rue d’Hauteville que j’ai fait la rencontre fulgurante et karmique de ma Muse Monique Ayoun, Mona pour les intimes.

Chère Mona, j’ai un jour trouvé sur la table de salon de mon ami le journaliste Yoav Toker, un roman écrit par toi : L’amant de Prague. Je l’ai dévoré d’un seul trait et immédiatement, j’ai désiré te mieux connaître. Peux-tu nous parler de l’étrange histoire de ce roman ?

 

Mona : C’est une histoire de passion tourmentée entre un homme et une femme qui n’arrivent ni à vivre ensemble ni à se quitter. Tout se déroule à Prague, une ville qui m’a particulièrement fascinée ! Mon héros est Pragois, il revient dans sa ville après 20 ans d’exil. C’est un homme qui porte un secret. Il est mutique, taciturne, plein de zones d’ombres, et mon héroïne va tenter de percer son mystère, elle va essayer de le comprendre à travers sa ville… Au final, c’est Prague, avec son atmosphère particulière, avec sa mélancolie poétique qui est le personnage central de mon roman !

 

Jacky, ton impressionnante carrure athlétique n’est pas sans évoquer une certaine discipline sportive due, je le sais, à un atavisme familial. Je vois une certaine ressemblance avec l’artiste que fut ton père.

 

Jacky : J’ai eu effectivement une jeunesse hors norme, mon père était dompteur de fauves, artiste peintre et sculpteur à ses heures. Son  dressage à l’affectif « peace and  love » montrait un spectacle sans cage où l’amour mutuel avec notre lionne vedette était évident et perceptible…

Vers dix ans, en regardant mon père tailler une souche d’arbre, j’ai senti intuitivement que je pouvais rivaliser avec lui dans ce domaine. Ma voie était tracée je serai sculpteur et dompteur, le destin en a décidé autrement. A 23 ans j’abandonnai avec mon père le dressage suite à la perte de notre lionne,  Belle.

 

Qui de la muse ou de l’artiste est in fine,  la véritable muse de l’autre ? Qui veut répondre ?

 

Jacky : Dans un couple fusionnel c’est à la fois l’un et l’autre qui est inspirant. C’est ainsi que nous avons écrit ensemble un roman « Le Paris de la passion ». Je donne souvent mon avis sur les livres que Mona écrit, sur sa pièce de théâtre par exemple, ou son scénario issu de son roman « Viens ».

 

Mona : Je ne sais pas s’il est ma Muse (et cette idée m’amuse !) mais en tout cas il me complète parfaitement ! Quand j’écris, j’ai tendance à délayer, à partir dans tous les sens. Jacky possède un art inné de la synthèse. En un tour de main, il fait de bonnes coupes à mes textes, il les ramène à l’essentiel. C’est lui qui me recentre.

 

Mona, tu es journaliste littéraire à Radio J et chez Biba. À la maison, qui lit le courrier en premier ? Je suppose que le nombre de livres qui arrivent dans votre boîte à lettres n’est pas anodin !

 

Mona : C’est toujours Jacky qui ouvre le courrier : il est plus rapide que l’éclair ! Moi j’aurais tendance à laisser les enveloppes s’accumuler sur le bureau avant de les ouvrir. Car effectivement, nous recevons une bonne trentaine de livres par semaine et c’est un vrai job de les sélectionner ! Bien souvent, nous faisons le tri ensemble et son avis m’est très précieux …

 

Mona, lors de notre dernière conversation, tu avais le projet d’amener au théâtre où au cinéma ton livre illustré à l’époque par Wolinski : Histoire de mes seins. As-tu aujourd’hui une visibilité sur l’issue de ce spectacle ?

 

Mona : Oui ma chère Mylène ! J’ai écrit l’adaptation théâtrale de mon livre « Histoire de mes seins » (publié chez Plon) et c’est un projet qui me tient à cœur ! Il s’agit du parcours sentimental et sensuel d’une paire de seins, depuis le moment où ils ont jailli sur le torse d’une petite fille étonnée jusqu’au jour où, découvrant leur pouvoir, ils s’amusent du regard qu’on leur porte…C’est un spectacle choral, avec humour et chansons, à la fois onirique et loufoque. Il sera pluriel et pluriculturel puisqu’il met en scène des personnages féminins de cultures différentes. Il sera joué à Paris à la rentrée 2023. Bien sûr, c’est un hommage à Georges Wolinski, qui m’avait si chaleureusement encouragée à écrire cette histoire avant de l’illustrer.

 

Et toi, Jacky, as-tu un nouveau projet de sculpture dont Mona, comme toujours, serait la muse ?

 

Jacky : Dans mes sculptures il y a souvent quelque chose de la plastique de Mona, Mais grâce à elle, j’ai bonifié ma syntaxe et j’ai pu écrire tout seul, l’histoire rocambolesque de la vie mouvementée de mon père Pablo. Bientôt en librairie.

 

Quel est votre devise, ou votre dicton préféré ? ( ensemble ou individuellement)

 

Ensemble : Rien sans passion ni poésie !

À vous voir ensemble quelque quinze ans après notre première rencontre, il apparaît clairement que le temps n’ait eu aucun impact sur vous ! Peut-on connaître votre secret ?

 

Jacky : C’est l’amour de l’Art et l’Amour tout court.

 Mona : J’ai tout de suite retrouvé mes racines et mon socle en rencontrant Jacky. C’est de l’ordre du miracle. Il n’y a pas d’autre secret.