Regards

Jeunesse de Justine Malle, le film

Par Pascal Aubier

Voilà dans ce désert un peu aride un film, un film comme un dessin, comme un tableau, comme la rime du soir, comme le cinéma. Un film qui fait du bien. Un film tendre et secret, modeste et lumineux. Un premier coup, un coup de maître comme disait les honnêtes gens de l’autre temps. Et pourtant un film si jeune, si fort, si dans l’âge de son auteur, dans celui des jeunes gens que l’on croise tous les jours ou chez soi quand on a de la chance.

Justine Malle est la file de gens rares, de gens de cinéma. Ce n’est pas simple. Surtout lorsque l’on veut soit même en faire, du cinéma. Surtout lorsque premièrement on veut parler de ces gens, de ces parents, de leur trace, de la douleur et de la joie qui fait toujours briller le regard de Justine. On n’a pas besoin de se souvenir des films de son père, de la beauté de sa mère ni des décors que la vie leur a dressé. On entre directement dans le cœur de notre cinéaste, avec son propre talent et sa retenue qui retient tous les projecteurs, brûleurs de souvenirs. Elle filme une relation, un âge, une mort annoncée et les émois de sa vie de jeune fille, entre la fin et le commencement. Elle fait revivre son père, avec ses mots, son attention et la distance parfois qui les sépare trop souvent. Avec une tendresse et une discrétion comme on en rencontre trop rarement. Et avec ça, au cinéma tout le temps. Le cinéma, le cadre et le temps. Le noir, le blanc, la couleur comme on la veut. Le rythme, la musique dans ce rythme bien à soi. Un bonheur de film même s’il tire les larmes. Les pères meurent toujours trop tôt et à contre-courant. On peut le dire des gens qu’on aime, ce n’est jamais le bon moment, mais le départ ici du père si grand, si présent dans le tourbillon des choses, est stupéfiant d’intimité, de pudeur et d’amour. Et de cinéma. Je ne vais pas vous raconter c’est à vous de vous régaler.

Le sort n’a pas permis à ce film d’être vu comme il aurait dû l’être. Si vous apprenez qu’il se joue quelque part, allez-y tout de suite. Quand on est obligé de tourner sans attendre – ou après avoir trop attendu – les banques, les banquables et la grande distribution, on fait avec ce que l’on trouve et à la fin, on ne passe qu’où l’on peut. C’est fort dommage, mais c’est comme ça comme disait ce monsieur, l’autre jour. En tous cas Justine Malle est une cinéaste de première grandeur et elle ne le doit à personne.