Portraits

François Curiel Chairman de Christie’s Europe

Par Mylène Vignon

En sortant de cet incroyable rendez-vous, déambulant l’avenue Matignon jusqu’à la Madeleine, j’ai éprouvé la sensation très légère, d’avoir enfin rencontré un homme heureux. François Curiel, directeur de Christie’s Europe, venait de me confier avec humour et simplicité, ses impressions sur son parcours sans faute.
Entretien :

François Curiel, vous êtes président pour l’Europe d’une des maisons de ventes les plus célèbres au monde, pouvez-vous nous éclairer sur votre itinéraire professionnel ? Avez-vous répondu à un atavisme familial ?

Après mon baccalauréat, j’ai commencé des études de droit à l’université de Paris II, Assas Panthéon ; et ceci à la suggestion de ma mère qui venait d’une famille d’avocats et de magistrats. En juin 1969, mon père, qui désirait que je parle anglais couramment, m’a obtenu un stage d’été chez Christie’s à Londres. Ce stage se terminait fin août et deux jours avant de partir un assistant a démissionné dans le département bijoux dans lequel j’étais. Le chef de cette section m’a proposé le poste et comme je n’étais pas persuadé que j’étais fait pour le droit, j’ai accepté cette offre

Vous aviez vingt-et-un ans, comment votre mère a-t-elle réagi ?
Elle a tenté très légèrement de me convaincre, en me conseillant de terminer mes études de droit puis de revenir chez Christie’s lorsque j’aurais obtenu ma licence. Le poste était évidemment disponible tout de suite et deux ans plus tard, personne ne pouvait savoir ce que serait la situation. Mes parents ont pesé le pour et le contre, ils ont bien vu que je n’étais pas passionné par les nullités relatives et les nullités absolues et ils ont accepté mon choix de rester chez Christie’s.

Quel genre d’enfant étiez vous ?

Facétieux, plutôt bon élève en français, en langues et en latin. Pas très fort en mathématiques ; je passais d’une classe à l’autre avec 10/12 de moyenne. J’étais assez sportif, j’adorais la musique et le devant de la scène ayant formé un petit orchestre avec des amis dans lequel j’étais le chanteur et l’animateur.

Quel est votre rapport avec les pierres précieuses ?

J’ai obtenu un diplôme de gemmologie à la chambre de commerce et d’industrie de Paris qui m’a permis d’identifier les pierres précieuses. Puis, armé d’un savoir théorique, j’ai appris mon métier sur le tas chez Christie’s ou mon rôle était d’être le messager entre les experts seniors et les clients qui nous apportaient des bijoux et des pierres à vendre. J’ai donc beaucoup appris à cette époque et continue d’ailleurs à le faire aujourd’hui.

Aimez-vous transmettre votre savoir-faire ?

J’ai appris l’expertise des personnes seniors dans mon département et je transmets aujourd’hui bien sûr ce que j’ai appris aux jeunes spécialistes qui, comme moi, sont le lien entre les experts en chef et les clients qui nous présentent des objets.

Professionnellement, quel est votre principal atout ?

Lorsqu’on me demande de décrire mon métier en quelques mots, je réponds : Psychologue de collectionneur. En effet, nos interlocuteurs sont variés : collectionneurs de plus ou moins longues dates ou décideurs professionnels tels notaires, banquiers ou exécuteurs testamentaires. Il faut donc s’adapter aux différentes situations et besoins de chacun.

Quel a été votre dernier exploit au marteau ?

La dernière vente que j’ai négocié était celle de deux bracelets ayant appartenus à Marie-Antoinette (1755-1793). Elle a eu lieu à Genève le 9 novembre 2021 et ont été vendus $8,200,000 contre une estimation de $2-4 million.

Quelles sont vos principales distractions ?

« Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie » nous a appris Confucius.

À ce propos, François Curiel, si tout était à refaire, que changeriez vous dans votre parcours ?

Absolument rien ! Grâce à mes parents, j’ai eu la chance de rentrer chez Christie’s il y a plus de 50 ans, d’apprendre un métier en évolution constante, de vivre en Amérique, en Asie et dans différents pays d’Europe, de découvrir des objets sensationnels et de vivre avec eux pendant un certain temps, de tenir le marteau lors de très grandes ventes aux enchères, ainsi que de rencontrer de nombreux acteurs de notre industrie, acheteurs ou vendeurs.

Un dicton qui vous caractérise, et ce sera le mot de la fin.

Quand vous voulez que quelque chose soit fait, adressez-vous à une personne occupée.