Portraits

Philippe Lagautrière, artiste peintre à La Ruche

Entretien avec Mylène Vignon

Philippe Lagautrière est le premier artiste que Saisons de Culture est allé rencontrer à la Ruche. Ce lieu de résidence artistique mythique accueille les plasticiens depuis le début du vingtième siècle dans le quinzième arrondissement de Paris. La Ruche a été conçue à partir de structures recyclées, à la suite de l’exposition universelle de 1900 par le sculpteur Alfred Boucher. Le style Art Nouveau signé Eiffel est partie prenante de la conception des ateliers où des femmes et des hommes de toutes disciplines artistiques œuvrent à la création. 

Entretien:

Philippe Lagautrière, comment se passe la création dans l’ancien atelier de Chagall ? Je suppose que cela doit être très inspirant. 

— En arrivant dans cet atelier à la Ruche, je ne savais pas que Chagall y avait résidé de 1911 à 1914. Lors du centenaire de cette cité d’artistes, je lui ai rendu hommage en réalisant une série de peintures d’après les toiles et dessins qu’il avait produits pendant cette période. D’autres images ont été peintes sur les figures plus ou moins célèbres y ayant vécu. Plusieurs expos ont ainsi vu le jour sur ces sujets.

Quel a été votre cursus artistique, qui je crois a débuté chez vous dès l’enfance ? 

— J’ai toujours aimé dessiner, et mon passage à l’École des Beaux-Arts de Paris a renforcé mon coup de crayon.

À quel moment êtes-vous arrivé à La Ruche ? 

— J’ai attendu deux années avant d’obtenir cet atelier en 1993. Depuis, mon enthousiasme pour la Ruche et son atmosphère « chargée » par le passage de ces artistes (Chagall, Léger, Soutine, Modigliani et bien d’autres) et la magie du lieu n’ont pas bougé.

Comment se passe la cohabitation dans une communauté qui comporte une soixantaine d’ateliers ? 

— Nous formons une sorte de famille artistique renforcée par cet espace d’exposition qui nous a été offert il y a 5 ans, où une expo collective en début d’année, puis des expos personnelles ont lieu grâce au soutien de la fondation qui gère la Ruche. Du temps d’Alfred Boucher, le fondateur de la Ruche, il y avait un espace consacré aux expositions, qui avait disparu au fil du temps.

Quelle a été l’évolution de votre travail, jusqu’à internet ?

— Au départ, j’étais réticent au passage à l’ordinateur, puis les possibilités offertes m’ont naturellement porté vers l’image numérique où j’ai la possibilité d’agir « chirurgicalement » sur mes images et d’y entrer au pixel près. Un public s’est aussi offert, grâce aux réseaux sociaux, facebok et instagram notamment.

Quelle est actuellement votre technique ?

— Depuis mon passage aux Beaux-Arts, je travaille à partir de collages réalisés avec des tampons, ces images en caoutchouc que l’on utilisait à l’école. J’en possède des milliers, ma banque d’images. Depuis, j’y mêle mes dessins, gravures, etc., mais depuis 2014, je travaille aussi en parallèle une forme de dessin « automatique ». Je n’aime pas m’enfermer dans un style et j’aime emprunter des chemins de traverse.

Pouvez-vous nous confier votre meilleur souvenir artistique ?

— Chaque jour, une nouvelle inspiration apparaît, chaque jour est une porte ouverte vers de nouvelles découvertes qui me tiennent en haleine…

Le pire ?

— Les expositions liées à un flop total, évènements internationaux graves, par exemple, où le public ne s’est pas déplacé, par peur.

Vous avez rédigé La fabuleuse histoire de La Ruche en 2003, peut-on encore trouver ce livre en vente ?
— C’est un portfolio en 20 planches sérigraphiées réalisé pour le centenaire de la Ruche, où je raconte à ma manière cette histoire, que l’on peut me commander directement.

Quels sont vos projets pour 2021 et plus ?

— J’ai peint une série intitulée Nuage pourpre , métaphore de la pandémie, montrée en décembre/janvier dernier et qui va tourner, mais j’ai d’autres projets en cours dans ma boîte à malices…

Le mot de la fin vous appartient… 

— Je me suis toujours considéré comme un « montreur d’images », comme il y avait des montreurs d’ours à une époque. Je vais de ville en ville, de pays en pays, montrer ces images depuis une quarantaine d’années maintenant.