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La chronique gastronomique d’Antoine Benouard. Mai 2021

Le mille-feuille : tout un roman !

Je profite de l’occasion, chère lectrice, pour vous proposer une invitation : nous allons déguster ensemble, si vous le voulez bien, afin de faire connaissance, un mille-feuille chez Angélina, vers seize heures, un jour de semaine, rue de Rivoli. Il est réputé, et moi aussi. Moment de charme, moment de rêve.

Le mille-feuille est propice à la conversation. Nous parlerons de vous — des mille feuilles de votre vie — et de moi, et de lui (le mille-feuille), et nous écrirons les premières feuilles — ou pages — de notre relation nouvelle. Dès que cela sera possible, en mai, en juin, bientôt, un jour, le plus tôt possible. Partager un mille-feuille est pour moi, en soi, une première étape d’amour, le début d’un voyage à deux et l’issue de tout confinement. N’hésitez pas, je tiendrai ma promesse, je choisirai la lettre la plus gourmande : sucrée, mais pas trop, la plus pâtissière, la plus vanillée et, si vous permettez, avec un dessus saupoudré de sucre tendre plutôt que glacé, si vous voyez ce que je veux dire.

Par ailleurs, comme cet article s’adresse à tous les lecteurs de Saisons de Culture, et non seulement à vous, et qu’ils sont forcément cultivés, je recommande ce gâteau lumineux. Aucun lecteur cultivé ne peut échapper au mille-feuille. Le plus beau nom de la pâtisserie française avec ou sans tiret : beaucoup plus stable que l’éclair et bien moins train-train qu’un Paris-Brest. Ne parlons pas du baba qui ne nous laisse pas baba.

Gâteau de littérature donc qui porte le nom d’un arbre. Son nom est à l’enseigne de plusieurs librairies en France et dans le monde. Car le mille-feuille se lit autant qu’il se mange. Il ya du livre dans la dégustation, des lettres dans son goût, de l’esprit dans sa mise en page. Et en automne, ses feuilles ne tombent pas.

Ce roman épique se condense en trois couches de pâte feuilletée, deux de crème pâtissière, le tout coiffé d’un glaçage marbré ou de poudre de sucre. Il était un dessert apprécié par le « Diable Boiteux », cuisiné par son chef Marie-Antoine Carême — un nom oxymorique de pâtissier qui ne s’invente pas — qui en perfectionna la recette. Le fameux ministre duplice ne pouvait qu’apprécier ce délice aux mille feuilles qui combine une présentation plutôt carrée, mais avec uncraquant fragile et une douceur insulaire qui invite à l’accostage. Regardez-le d’ailleurs sur une table ou une vitrine : parmi d’autres gâteaux, il domine, tant il est beau et digne. D’ailleurs, par sa texture, il ne se laisse pas facilement manger : il préfère être abordé, mais avec tact. Ou si l’on veut, entrepris. Le mille-feuille est toujours une aventure qui s’échafaude comme un plan.

Je ne conseille pas les (nombreux) revisités et autres avatars néocubistes ou postmodernes, plus inspirés qu’inspirant, fruiteux et abracadabrantesques, qui en sont sans en être et qui, de toutes les façons, sont moins à mon goût.

Quelques adresses :

Lenôtre, valeur sûre : https://lenotre.com

Vandermeersch, classique et un bon rapport qualité prix : http://www.boulangerie-patisserie-vandermeersch.com

Et si voulez le cadre en plus, pour un goûter en amoureux, le réputé d’Angélina. On peut commencer à réserver à Angélina, au 226 rue de Rivoli, en perspective de la mi-mai : https://angelina-paris.fr

Quant à moi, pour m’écrire, as usual : antoinebenouard@gmail.com