Regards

J’accuse le dernier film de Roman Polanski

Par Pascal Aubier

Tout d’abord je tiens à dire que j’accuse personnellement cette partie du public, concitoyens et concitoyennes, qui s’est cru autorisée à mettre Polanski en accusation pour des faits remontant à 44 ans, sans qu’aucune décision de justice n’est été prise. Nous sommes entrés dans une époque du politically correct que je ressens comme suffocante et qui risque de nous conduire au totalitarisme le plus redoutable. Je ne sais pas grande chose des faits imputés à Polanski mais j’aimerais, à tout hasard que l’on se reporte à l’année 1975, pour ceux qui peuvent s’en souvenir. Nous n’étions pas dans le politically correct mais dans son absolu contraire. Les hommes et les femmes, les garçons et les filles se sentaient libres et aspiraient à l’être encore d’avantage. Nous étions en général plutôt joyeux et la sexualité était délicieuse. Les tabous semblaient voués aux gémonies. L’ambiance n’était pas à Balance ton Porc. De dire cela ne m’empêche pas de condamner vivement toutes les violences faites aux femmes et à fortiori le viol. Au grand contraire. Mais tant que des faits ne sont pas fondés on ne doit pas mettre au pilori quiconque sur la base de simples allégations. La volonté de censurer, d’interdire un film au nom de quoi que ce soit est intolérable. J’ai eu à supporter la censure officielle, je sais de quoi je parle. C’est infâme. Méfiez-vous donc des ragots, s’il vous plaît.

Il y avait du monde dans la salle quand nous sommes allés voir J’accuse. On y raconte tout de même une bien sale histoire de la France. On la raconte bien et elle est bien jouée, interprétée. Seulement ce qui m’a un peu fait de la peine c’est qu’il y a un très grand absent dans ce film : le peuple de France. On nous toujours parlé du fracas que l’affaire Dreyfus avait provoqué dans tout le pays, des haines tenaces, des amitiés fracassées, des familles explosées parfois. Les antisémites ne rigolaient pas. Or ici, tout se passe dans les bureaux calfeutrés et non pas dans la rue. J’ai trouvé cela singulier. Et puis peut-être la part un peu trop belle faite à Picquart qui après avoir lourdement participé à la condamnation de Dreyfus, découvre des irrégularités, le moins qu’on puisse dire, et qu’en fait, l’espion est un officier de Rouen nommé Esterhazy. Trop gentil Picquart. Dujardin aussi. C’est généreux de la part de Polanski qui est Juif lui aussi. Mais je trouve un peu trop appuyée cette « gentillesse ». Je sais que les juifs nomment les non-Juifs, les gentils… Mais tout de même… Bref le film est réalisé avec le talent que nous connaissons du metteur en scène. Ce n’est pas son meilleur film, mais il ne manque pas un bouton doré aux uniformes. Salut l’artiste.