Entre terre et bois, des histoires se racontent…
Par Mylène Vignon
Pour cette 45ème édition, la FIAC est placée sous le signe de la sagesse. Des œuvres pures, efficaces, synthétiques, muséales pour la plupart, éprouvées par le temps, défendues par des galeristes tels que Perrotin, Kamel Mennour, Loevenbruck, Templon, Lelong, Obadia, Thaddeus Rappac. Texte intégral
On est souvent abusés. Par la vox populi, les rumeurs, les assertions publicitaires et même par les amis. Après un été désastreux de jambes et bras cassés, ma femme et moi, avides de retourner au cinéma avons cru bien faire en cédant aux conseils. Bien mal nous en a pris. I Feel Good, s’appelle le film! Une comédie avec Dujardin que nous aimons bien, réalisé par Delépine et Kerven er avec en prime la grande Yolande Moreau. Texte intégral
Milshtein est peintre et nous connaissons ses images. Mais des images, il n’y en a pas que dans sa peinture. Toujours à côté de ses pinceaux, il y avait une plume. Et quelle plume ! Saisons de culture vous propose chaque semaine de découvrir ses textes. Contes, fictions ou comptes rendus de sa mémoire vive et malicieuse.
Texte n°3
Les sept verres
Éditions Yeo Paris 1997
Pour moi, la terre était informe et vide il y avait des ténèbres à la surface et son esprit (en admettant qu’elle en ait un) se mouvait au-dessus de moi. Je me suis dit qu’il fallait prendre un verre. Et le verre fut et je l’ai rempli d’alcool et j’ai appelé le verre, verre et l’alcool, vodka.
Ce fut mon premier verre. Et je regardais la bouteille et je traçais une ligne au milieu, je séparais la bouteille en deux. J’appelais le haut oubli et le bas souvenir et j’ai cru que c’était bien aussi. Je remplis le verre, je vidais le verre. Ce fut mon deuxième verre. Et je voulais que le liquide qui s’appelle akdov, en verlan dans le texte, se rassemble en un seul lieu et que je reste sec et lucide. Et cela fut. Et j’ai appelé le sec, corps et le liquide, âme. Et j’ai vu que c’était bon, et j’ai voulu que le corps produise de la semence comme les arbres fruitiers, et donne des fruits malgré mon grand âge. Et cela fut ainsi Et mon corps produit toujours des semences comme les arbres fruitiers. Et j’ai vu que cela était bon et j’ai rempli mon verre. Et cela fut mon troisième verre. Et je me suis dit qu’il y avait des lumières dans l’étendue de la ville afin qu’il y ait des signes pour marquer les carrefours et les fins de rues. Et cela fut. Et il y eut des feux rouges et des feux verts, il y eut deux grandes lumières. Une pour présider le jour, ce fut le soleil, et une pour présider la nuit, l’enseigne lumineuse du commissariat de police. Et j’ai vu que tout cela était bon, et j’ai rempli mon verre, et je l’ai bu. Et ce fut mon quatrième verre. Et je me suis dit, que les eaux grouillent en abondance de pétroliers, de sous-marins nucléaires ; et les ciels d’oiseaux en acier selon leur espèce et leur voracité. Et j’ai vu que tout cela était fécond et béni, et que la peur naquit. Et j’ai rempli mon verre et j’ai vidé mon verre. Et ce fut le cinquième verre. Et j’ai dit que la terre produise des voitures, des chars, des canons, selon leur espèce, et j’ai vu que cela faisait peur. Et tout cela fut béni. Dieu dit : « Faisons selon notre « image et notre ressemblance, « et que tu domines sur les armes « de la mer, les armes du ciel « et de la terre. » Dieu me créa à son image, il me créa à l’image de Dieu, il me créa et il créa Elle. Et j’ai vu tout ce que j’ai fait et ça faisait très peur. Et ainsi j’ai rempli un verre, et j’ai vidé mon verre. Et ce fut mon sixième verre. Ainsi furent achevés les deux tiers de la bouteille et fut achevé l’oubli. Dieu se reposa, et moi je continuais à boire. Et je pris mon septième verre.
Milshtein est peintre et nous connaissons ses images. Mais des images, il n’y en a pas que dans sa peinture. Toujours à côté de ses pinceaux, il y avait une plume. Et quelle plume ! Saisons de culture vous propose chaque semaine de découvrir ses textes. Contes, fictions, comptes rendus de sa mémoire vive et malicieuse.
Texte n°1
Les idées préconçues
Les Filles du Calvaire - éditeur, Paris 1996
Malheureusement, il faut parler peinture. Je dis malheureusement, car aujourd’hui on achète la peinture avec les oreilles et non pas avec les yeux. Les grandes collections sont formées de « que dit-on ? que dira-t-on ? ... ». Les gens ont tellement peur du ridicule qu’ils s’y engouffrent jusqu’au cou. Je suis vieux et méchant, c’est pourquoi je désire injurier tout le monde : je vous préviens d’avance comme ça vous pouvez ne pas lire la suite. La peinture est devenue un terrain vague où rôde un tas d’individus : saltimbanques, gens du show-biz, philosophes égarés, architectes, plombiers, hommes d’affaires pressés, des rêveurs tous séduits par le mirage de l’Eldorado. Il n’y a plus de place pour les peintres. A qui la faute ? Nous ne savons ni organiser ni nous défendre. On devrait peut-être demander conseil et soutien au Syndicat des camionneurs... Mais parlons plutôt peinture... Je vous donnerai la première recette de la carpe farcie comme la faisait ma mère. Miam, miam !... Véritable petit chef-d’œuvre. Vous achetez une carpe, vous la nettoyez, vous ôtez la peau tout en la gardant intacte, vous enlevez l’arête. Achetez plutôt des huîtres, c’est aussi bon. Mais faites-les ouvrir par un écailler, car moi, en les ouvrant, je me suis enfoncé le couteau dans la main gauche. Heureusement j’avais un chiffon propre, j’ai arrêté le sang. J’ai tendu le chiffon sur un châssis et je l’ai exposé : les critiques unanimes se sont écriés « Voilà, un écorché vif influencé par Soutine, il vient sûrement de l’Est... ». Bien que je fusse cicatrisé, « l’écorché vif » et Soutine restèrent encore longtemps collés à ma peau et j’ai toutes les peines à m’en débarrasser... Oh !... Les idées préconçues...