Du bout de ma planche, j’observe les décolletés en VSommes tous bien arrivés, amitiésD’ici on pourrait croire que la vue est imprenableTout est si calme ce soirPuis-je hurler ? (1)
La bascule vers l’automne effraie un peu ;
Alors on se refait le film des vacances d’été.
Il y a le souvenir coloré, comme ces fleurs des jonquilles en longueur :
Ce sont des voiles de parapente d’abord au-dessus de la montagne
Et qui glissent ensuite vers le bas –
Orange, bleue, jaune
Un trio qui virevolte alors que le soleil s’abaisse et que la montagne retrouvera bientôt
Son aspect vert sombre du soir qui fraîchit.
Ce trio qui ondule, qui glisse comme relié à un fil, soudain l’un remonte, l’autre devient acrobate et s’adonne aux figures de style, le troisième amorce douce chute -
Bleue jaune et orange
Et le rougeoiement du soleil sur le sommet de la montagne…
La base d’où ont décollé les trois fleurs – orgueilleuses, détachées l’une de l’autre,
Et solidaires comme un rappel de l’Art Nouveau –
Motif floral qui oscille, qui hésite, qui fait des bonds immobiles le long d’une décoration intérieure.
C’est bien de détacher son regard
D’oublier Euclide, ses lignes bien droites et ses points si … pointilleux
Pour voguer vers d’autres géométries allègres, enchantées ;
Un espace soyeux dans le ciel.
Les voiles des parapentes en demi-lunes papillonnent encore alors que le mauve du soir les enveloppe doucement et que la montagne est vive en ses battements verts
Quelle composition, si jolie -
Du bout de ma planche, j’observe la fin de l’étéTout est si calme ce soirPuis-je frimer ?(…)Sommes-nous certains d’être sûrs d’être détendusTout est si calme ce soirPuis-je être ému ? (2)
Roland Barthes propose de nous transporter ailleurs :
de la montagne à la mer, il n’y a qu’un pas et un point de vue, autre ;
Qui renvoie au même des sensations colorées, du sentiment au monde,
Du regard qui s’élève et des larmes qui nous montent, pareilles :
Les arbres sont des alphabets, disaient lesGrecs. Parmi tous les arbres-lettres, le palmier estLe plus beau. De l’écriture, profuse et distincteComme le jet de ses palmes, il possède l’effetMajeur : la retombée (3)
Faut-il donc pour sentir que l’on ressent, pour que toutes nos émotions
Deviennent des signes, en poudre noire : sur un papier, sur un écran -
Sinon, des petits nuages blancs s’évaporent, sortis abêtis de nos crânes et fuient loin et tout droit ; dans l’ennui d’un Euclide -
Barthes, encore :
31 octobreParfois, très brièvement, un moment blanc- comme d’insensibilité – qui n’est pas moment d’oubli. Cela m’effraye.31 octobreAcuité nouvelle, étrange, à voir (dans la rue) lalaideur ou la beauté des gens. (4)
Et cette phrase terrible, dense et définitive (c’est déjà l’été d’après)
31 juilletJe ne souhaite rien d’autre que d’habiter mon chagrin (5)
L’ombre qui vient après le vol des demi-lunes, après la composition des couleurs,
après le jeu du regard et la sortie de soi, c’est bien celle de l’automne –
Les derniers feux des couleurs fauves ;
Les feuilles qui se tordent et craquent sous nos pas ;
Il n’y aura que les enfants pour les ramasser, les tenir bien solitaires ou au contraire en un bouquet très solidaires – pour s’en émerveiller ;
Devant eux, toute la vie ouverte, tous les jours en couleurs ; la joie de l’initial -
Et nous devant ces tapis de l’automne, méfiants, mi-inquiets, devant ces métaphores des forces qui en finissent, des sèves épuisées du printemps et des douceurs craquelées de l’été ;
Nous voilà rendus à nos efforts à faire et à refaire, devant les lueurs vertes de la montagne de nos souvenirs.
« Les événements riment au sein du grand poème dont nul ne sait le début ou la fin ni ne parvient à suivre le fil mais à l’intérieur duquel chaque mot prononcé semble comme l’écho d’un autre. Toute révolution est un retour en arrière. Tout nouveau départ : un recommencement. » (6)
Marchons de l’auteur de « L’oubli » à celui de « L’Immortalité » ;
Empruntons un sentier de littérature…
« Il était deux heures et demie et il lui fallait partir sans délai, car elle n’aimait pas conduire la vie. Mais elle ne se décidait pas à tourner la clef de contact. Tel un amant qui n’a pas eu le temps d’exprimer ce qu’il a dans le cœur, le paysage autour d’elle l’empêchait de s’en aller. Elle descendit de voiture. Les montagnes l’encerclaient ; celles de gauche étaient illuminées de couleurs vives et la blancheur des glaciers étincelait au-dessus de leur vert horizon ; celles de droite s’enveloppaient dans un brouillard jaunâtre qui ne laissait apparaître que leur silhouette. C’étaient deux éclairages entièrement différents ; deux mondes différents. Elle tourna la tête de gauche à droite, de droite à gauche… » (7)
Selon François Ricard, le personnage d’Agnès dans ce roman témoignerait de toute l’œuvre du romancier : Agnès, fait un pas de côté cet après-midi-là, parce que toute l’œuvre de M.K. est « comme l’exploration d’un monde (…) abandonné, c’est-à-dire du monde tel qu’il ne cesse d’apparaître à la conscience exilée » (8)
Voilà la fraîcheur du soir.
Voilà que l’automne tintinnabule à notre fenêtre.
Revient aux lèvres le refrain de la chanson d’Alain Bashung :
Echantillon décolleté en VPourquoi m’as-tu quitté ?Flèche assortieSeule particularité élégance (9)Photographie : couverture de « roland Barthes par roland barthes, Editions du Seuil, 1975
(1) Elégance, 1983, Alain Bashung, musique, et paroles de Pascal Jacquemin
(2) Idem
(3) Roland Barthes in roland Barthes par roland barthes, p.45, éditions du Seuil, « Vers l’écriture », 1975
(4) Roland Barthes, Journal de deuil, p.36 et p.37, éditions du Seuil, 2009
(5) Idem, p.186
(6) Philippe Forest, « Je reste roi de mes chagrins », p.85, Gallimard, 2019
(7) Milan Kundera, L’immortalité, p. 267, Gallimard, 1990
(8) François Ricard, Le dernier après-midi d’Agnès, p.30, Arcades-Gallimard, 2003
Tout comme les sgraffites qui révèlent peut-être, tout le long des façades, les rêves des habitants de Prague ; ceux de Kafka (1883 – 1924) sont, toujours, inscrits, grattés, marqués au cœur de sa chair et de son esprit saisi de migraine, épris de mauvaises fièvres. Texte intégral
Pénétrer le sens de la métaphore que constitue l'œuvre de Fernand Khnopff, magistralement présentée au Petit Palais jusqu'au 17 mars, doit débuter par la lecture de Bruges la morte de Georges Rodenbach, pour lequel l’artiste a offert le frontispice. Mots et peinture établiraient en reflet, le témoignage des deux piliers du Symbolisme qui ne sont pas falbalas allégoriques, mais Solitude et Silence. Texte intégral
C’est aussi le titre d’un film de Olivier Assayas, avec un Mathieu Almaric résolument juvénile et une Jeanne Balibar décidément sophistiquée. Il est question de rupture, difficile, de déménagement et de regrets.
L’écume de l’amour a épuisé le sable, perdue en tous ses grains.
Grains de beauté en beauté sur la plage, soupçon d’inquiétude ; la beauté peut tourner au danger, l’attente au désœuvrement, l’envie aux agitations.
Déjà l’automne serpente dans ses nuages et dans nos peurs.
Pourtant, nous n’avions pas rêvé, pourtant, elle était là, dès le réveil :
« Quoi ? – l’Eternité.
C’est la mer mêlée
Au soleil. » (1)
L’été, l’espoir, le désir, le goût qui nous revient : sel de la mer, embruns, horizon si lointain.
Tout est là, à portée de la main et tout est repoussé, ô joie, vers une ligne vibrante.
Entre le ciel et l’eau s’étire promesses à venir et matinées de l’entrain –
Août comme une pâte à lever, au levain des matins rieurs et tranquilles ;
Septembre comme une vieille recette bien cachée sous le sable.
Nous avons été paisibles.
Nous avons bien tout oublié. Comme l’autrefois.
Aveuglement merveilleux.
Insouciance ravissante.
Tête posée à côté du barbecue, qui attend minute après minute, degré après degré, brochette après brochette,
Que l’esprit sombre y revienne.
J'ai fait la saisonDans cette boite crânienneTes pensées, je les faisais miennesT'accaparer, seulement t'accaparer (2)
Oh oui le ressentir, l’éprouver :
« Quoi ? – l’Eternité
C’est la mer mêlée
Au soleil. »
Faire sienne cette douce beauté du soir.
Faire sien cet air doux de la nuit.
Le matin, comme le premier, s’étirer, repousser, reposer la tête sur une pierre dans le jardin.
Retourner voir l’amicale tension du lointain, dans la rumeur des vagues.
Les chevilles auréolées d’écume, le sable saupoudrant ensuite le coup de pied.
La belle parenthèse.
Ce bleu du ciel si clair bascule fin août, début septembre, déjà un autre bleu surgit ;
L’esprit a repris corps dans cette tête qui a quitté du jardin, la pierre.
J’envisage le bleu profond, le bleu nuit, les images dans ma tête –
L’été, l’infinie clarté, les limites repoussées, les craintes abolies, s’évapore ;
Pour bientôt, bien trop vite, laisser place, laisser venir, laisser revenir
Des jours qui heurtent, des heures qui marquent, des instants qui étreignent le cœur
Soudain si lourd.
Soudain le bleu qui frissonne remplace le bleu qui éblouit.
C’est l’automne. Les arbres prennent peur. Les feuilles tremblent.
Nous mourons chaque jour à nous-mêmes, nous déclinons du lever au couchant.
Nous sommes de simples hommes, le rôti de nos peaux s’éclaircit en une ambiance cuivre.
L’automne est le temps des brièvetés. La cruauté de septembre, la douleur d’octobre sont en marche.
« Mon travail était affreux, mais parfois exaltant dans l’ivresse du rêve. Je ne m’absentais que pour lui, sinon je restais sur ma terrasse et attendait le coucher du soleil.
Mon travail consistait à éliminer, ce qui me convenait : j’aime le vide. Et puis cette construction se dérégla. » (3)
Nos humeurs vont devenir incertaines, nos résolutions bien minces.
Les enfants veulent jeter leur cartable au feu.
Et nous, comment faire le deuil de la dernière Saint-Jean…
Nous mourons à nous-mêmes, les ongles accrochés au balcon, les pleurs collés à nos paupières.
Les dernières cartes postales grelotent sur la porte du réfrigérateur.
Le bleu nuit, c’est le bleu de la mort, du charnier du colonel Chabert aux récits criminels de Jacques Monory.
« Elle était luxueuse. Elle prenait possession de mon cerveau ? Quand vont-ils là-bas découvrir le cadavre ? J’étais épuisé. Je m’allongeai sur une banquette, mon bagage sous la tête et m’endormis. Mes rêves sont d’imperceptibles décalages de ma vie vécue ; ou plus justement peut-être, ma vie vécue est la décalcomanie de ma vie rêvée. » (4)
Le bleu des tableaux de Monory qui respire un air froid que vous percevez sur votre nuque.
Des balles de revolver. Un chapeau. Des lunettes noires.
Quelques remuements, éclats saillants avant l’engourdissement de l’hiver.
Avant la torpeur.
Avec parfois le souvenir, hors-cadre, de la mer allée avec le soleil, dans le flamboiement de ce dernier qui s’abîme dans la masse étale de liquide. Etendue hors-norme.
Là, devant vous, les soubresauts de septembre. Devenant octobre. Une révolution ; jamais cela ne cesse. Echo du feu de la mer en été, le soleil se sacrifie pour que vous imaginiez l’éternité.
« Quand elle me reconnut, elle ne fut effrayée qu’un instant. Je la regardai – elle vit que j’étais ailleurs. (…) Je l’embrassai légèrement sur la bouche et m’en allai en dansant davantage.
Maintenant, je fais des aquarelles de nuages. » (5)
Toujours le ciel et la terre, la mer et les nuages.
La terre – nous y reprenons pied, le ciel nous y accrochons nos rêves, le nez en l’air.
La mer, mouvante et serrée, tout près du cœur et envahissant la boîte crânienne de l’été prochain.
Les nuages, légers, messagers de l’azur ; lourds, colporteurs du ciel gris de l’automne.
Enfin, il nous reste ad vitam aeternam à envoyer nos pensées vers ceux qui ne sont plus.
La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse,Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs (6)
(1) Arthur Rimbaud, Une saison en enfer, 1873
(2) Alain Bashung, La nuit je mens, 1998
(3) Jacques Monory, Angèle, Editions Galilée, 2005, p.14
(4) Idem, p. 27
(5) Idem, p. 46
(6) Charles Baudelaire, La servante au grand cœur, 1843
Ce matin, je suis sorti de l’immeuble, tandis que le ciel démangé encore par ses élans noirs et mauves de la nuit, ouvrait par ci par là un œil de nuages gris, nuançant dans un infini délicat ce tôt matin de novembre.
L’heure des examens. Pas encore de conscience ; sanguins. On en est proche. Texte intégral
Voici l’histoire d’une femme artiste née dans un siècle d’hommes et victime expiatoire d’une société pavée de bonnes conventions et l’audacieux pari d’Hélène Zidi, auteure et comédienne, de mettre en scène cette vie entière dédiée à l’amour et à l’Art avec émotion et justesse. Texte intégral
Milshtein est peintre et nous connaissons ses images. Mais des images, il n’y en a pas que dans sa peinture. Toujours à côté de ses pinceaux, il y avait une plume. Et quelle plume !Saisons de culture vous propose chaque semaine de découvrir ses textes. Contes, fictions ou comptes rendus de sa mémoire vive et malicieuse.
Texte n°3
Les sept verres
Éditions Yeo
Paris 1997
Pour moi,
la terre était informe et vide
il y avait des ténèbres à la surface
et son esprit
(en admettant qu’elle en ait un)
se mouvait au-dessus de moi.
Je me suis dit
qu’il fallait prendre un verre.
Et le verre fut et je l’ai rempli d’alcool
et j’ai appelé le verre, verre
et l’alcool, vodka.
Ce fut mon premier verre.
Et je regardais la bouteille
et je traçais une ligne au milieu,
je séparais la bouteille en deux.
J’appelais le haut oubli
et le bas souvenir
et j’ai cru que c’était bien aussi.
Je remplis le verre,
je vidais le verre.
Ce fut mon deuxième verre.
Et je voulais que le liquide
qui s’appelle akdov, en verlan dans le texte,
se rassemble en un seul lieu
et que je reste sec et lucide.
Et cela fut.
Et j’ai appelé le sec, corps
et le liquide, âme.
Et j’ai vu que c’était bon,
et j’ai voulu que le corps produise de la semence
comme les arbres fruitiers,
et donne des fruits
malgré mon grand âge.
Et cela fut ainsi
Et mon corps produit
toujours des semences
comme les arbres fruitiers.
Et j’ai vu que cela était bon
et j’ai rempli mon verre.
Et cela fut mon troisième verre.
Et je me suis dit qu’il y avait
des lumières dans l’étendue
de la ville afin
qu’il y ait des signes
pour marquer les carrefours
et les fins de rues.
Et cela fut.
Et il y eut des feux rouges
et des feux verts,
il y eut deux grandes lumières.
Une pour présider le jour,
ce fut le soleil,
et une pour présider la nuit,
l’enseigne lumineuse
du commissariat de police.
Et j’ai vu que tout cela était bon,
et j’ai rempli mon verre,
et je l’ai bu.
Et ce fut mon quatrième verre.
Et je me suis dit,
que les eaux grouillent
en abondance de pétroliers,
de sous-marins nucléaires ;
et les ciels d’oiseaux en acier
selon leur espèce et leur voracité.
Et j’ai vu que tout cela était fécond
et béni, et que la peur naquit.
Et j’ai rempli mon verre
et j’ai vidé mon verre.
Et ce fut le cinquième verre.
Et j’ai dit que la terre
produise des voitures,
des chars, des canons,
selon leur espèce,
et j’ai vu que cela
faisait peur.
Et tout cela fut béni.
Dieu dit :
« Faisons selon notre
« image et notre ressemblance,
« et que tu domines sur les armes
« de la mer, les armes du ciel
« et de la terre. »
Dieu me créa à son image,
il me créa à l’image de Dieu,
il me créa et il créa Elle.
Et j’ai vu tout ce que j’ai fait
et ça faisait très peur.
Et ainsi j’ai rempli un verre,
et j’ai vidé mon verre.
Et ce fut mon sixième verre.
Ainsi furent achevés
les deux tiers
de la bouteille
et fut achevé l’oubli.
Dieu se reposa,
et moi je continuais à boire.
Et je pris mon septième verre.
A droite, sur la façade du 19 avenue Stephen Pichon, à Paris dans le treizième, face au vent et à la pluie, se tient fine, fière et stoïque, une petite plaque avec comme inscription en caractères dorés : Texte intégral
Voilà un film qu’on vu en passant. On nous avait suppliés de ne pas aller voir le Grand Bain qui passait à côté. Alors comme on passait, on s’est dit et pourquoi pas Mademoiselle de Jonquières ?Texte intégral
Milshtein est peintre et nous connaissons ses images. Mais des images, il n’y en a pas que dans sa peinture. Toujours à côté de ses pinceaux, il y avait une plume. Et quelle plume ! Saisons de culture vous propose chaque semaine de découvrir ses textes. Contes, fictions,comptes rendus de sa mémoire vive et malicieuse.
Texte n°1
Les idées préconçues
Les Filles du Calvaire - éditeur, Paris 1996
Malheureusement, il faut parler peinture. Je dis malheureusement, car aujourd’hui on achète la peinture avec les oreilles et non pas avec les yeux. Les grandes collections sont formées de « que dit-on ? que dira-t-on ? ... ». Les gens ont tellement peur du ridicule qu’ils s’y engouffrent jusqu’au cou.
Je suis vieux et méchant, c’est pourquoi je désire injurier tout le monde : je vous préviens d’avance comme ça vous pouvez ne pas lire la suite. La peinture est devenue un terrain vague où rôde un tas d’individus : saltimbanques, gens du show-biz, philosophes égarés, architectes, plombiers, hommes d’affaires pressés, des rêveurs tous séduits par le mirage de l’Eldorado. Il n’y a plus de place pour les peintres. A qui la faute ?
Nous ne savons ni organiser ni nous défendre. On devrait peut-être demander conseil et soutien au Syndicat des camionneurs...
Mais parlons plutôt peinture...
Je vous donnerai la première recette de la carpe farcie comme la faisait ma mère. Miam, miam !... Véritable petit chef-d’œuvre. Vous achetez une carpe, vous la nettoyez, vous ôtez la peau tout en la gardant intacte, vous enlevez l’arête. Achetez plutôt des huîtres, c’est aussi bon. Mais faites-les ouvrir par un écailler, car moi, en les ouvrant, je me suis enfoncé le couteau dans la main gauche. Heureusement j’avais un chiffon propre, j’ai arrêté le sang. J’ai tendu le chiffon sur un châssis et je l’ai exposé : les critiques unanimes se sont écriés « Voilà, un écorché vif influencé par Soutine, il vient sûrement de l’Est... ». Bien que je fusse cicatrisé, « l’écorché vif » et Soutine restèrent encore longtemps collés à ma peau et j’ai toutes les peines à m’en débarrasser... Oh !... Les idées préconçues...
7 REECE MEWS, Londres… il y a des adresses mythiques qui participent de la fantasmagorie de l’art, qui entretiennent la rêverie de ceux pour lesquels rêver à une toile, songer à une sculpture fait partie de leur manière d’être, de leur façon de vivre. Texte intégral
On y est. Comme je vous le disais il n’y a pas longtemps, les titres des films qui sortent en France sont en Américain, quelque soit leur origine. Rappelez-vous, Every Body Knows, I Feel Good et tant d’autres. Ici, nous avons affaire à un film Polonais, et non des moindres. Cold War veut dire Guerre Froide, comme si on ne savait pas ce que c’était. Ce ne sont pourtant pas les Polonais qui ont choisi cet Anglais. En polonais le titre est Zimna Wojna, la Guerre Froide, glacée précisément. Ce sont nos distributeurs Modernes qui sont américanisés. Ou Macronisés, puisque tout semble l’être devenu. Sans parti pris. Moi j’étais plutôt du genre coco quand on avait encore des espoirs. Plus d’espoir, plus de cocos, mais plein de Macronistes. Bon, c’est comme ça, on ne va pas épiloguer, on est là pour parler de cinéma. Texte intégral
« Il n’y a pas de deuxième acte dans les vies américaines »
Francis Scott Fitzgerald
Cette sentence de l’auteur de « La fêlure », qui s’y connaissait, donne à réfléchir alors qu’enfin l’été pointe le bout de son nez.
Pour ce faire, biaisons un peu et répondons en donnant des contre-preuves par l’exemple.
Robert Conrad.
Voilà qui est reçu cinq sur cinq ! La réponse est parfaite !
Bon, je continue pour les plus jeunes et les plus distraits d’entre vous.
C’est un solide comédien qui devient célèbre par le biais du petit écran et la série : Les mystères de l’ouest, diffusée à partir de 1967 par la feue mais précieuse O.R.T.F. James West, c’est le nom de son personnage, est un agent secret avant l’heure – on est dans l’ouest américain, au temps des cow-boys, avec déjà des gadgets et un second degré à la James Bond (enfin, de certains James Bond) ; c’est un plein succès. Tout succès a une fin… Que devient Robert ?
Il reprend son envol en incarnant Greg Boyington dans la série Les têtes brûlées, tout en se posant sur Antenne 2 dès 1977. Aviateur américain combattant, avec d’autres fortes têtes, pendant la guerre dans le Pacifique les méchants Zéros de l’ennemi japonais.
Alors, Francis Scott ?
Autre contre-preuve par l’exemple, l’inoubliable et plus beau couteau suisse à sympathique visage humain de toute l’histoire des séries : Mac Gyver, interprété dès 1987 via Antenne 2 par Richard Dean Anderson. Ce héros incroyable qui se sort des situations les plus délicates par l’agilité de son cerveau… Tous les succès ont une fin.
Mais, en 1998, grâce à M6, Le colonel O’Neill – alias Richard Dean Anderson- nous emmène du coté de la porte des étoiles ; c’est la saga de Stargate SG- 1 qui va mêler aux questions de science les réponses de fiction et aboutir ainsi à un beau mélange audiovisuel de science-fiction … Ah, comment ne pas s’inquiéter face aux intrigues et aux ruses des Goa’uld ? Il faut que O’Neill et toute son équipe ne perdent ni leur sang-froid ni la porte, la fameuse « Stargate », de vue.
Francis Scott, alors ?
N’accablons pas ce bel écrivain ; son personnage Gatsby nous fait rêver, on ne peut pas exiger qu’il soit assurément prédictif dans ses autres narrations.
D’ailleurs, nous espérons que la phrase est bien performative en ce qui concerne un personnage d’une mauvaise séquence présidentielle. Si Donald ne fait pas son comeback au plus haut niveau, nous n’en serons guère marris et croisons les doigts avec Fitzgerald pour qu’il soit l’absent à tout jamais du célèbre bureau au bel ovale.
Venons-en maintenant à nos vies réelles.
Est-ce que la loi des séries est claire à nos esprits ? Que nous dit la mémoire du cœur ?
Un ennui en convoque un autre, une déception appelle la suivante, la peine succède au chagrin…
Dans l’autre sens, une réussite entraîne une rencontre qui entraîne une nouvelle vie…
Nous avons connu des bonnes et mauvaises passes, des coups d’éclat et des revers de fortune.
Et ailleurs ? Reprenons de la hauteur, faisons fi de nos expériences personnelles, allons voir sur les cimaises du monde ce qu’il se passe.
Dans l’histoire de l’art : qu’en est-il du tempérament des célèbres sérialistes ? Monet sans ses séries de cathédrale serait sans aucun doute aujourd’hui déMonetisé. Warhol sans ses sérigraphies ne serait pas aujourd’hui dans les musées ; on le reconnaîtrait comme un cinéaste de l’ennui et l’impresario d’un groupe à l’obsédante banane.
La série, produire une série, penser en série, est-elle propre aux génies obsessionnels – ainsi se soignent-ils, et aux tempéraments mélancoliques : répéter et se répéter, finalement faire la paix avec soi-même ?
Deux plasticiens contemporains ont décidé d’éviter le piège de la contre- prédiction fitzgéraldienne : un deuxième acte après un premier accompli. Reste à éviter le temps perdu entre les deux. Comme le temps mort vécu notamment par nos amis Robert et Richard qui ont connu le doute : une autre série à succès allait-elle leur ouvrir les bras un jour après la fin inévitable de la première … Ou pas…
Toroni (1) depuis 1966 applique sur une surface donnée à intervalle réguliers de 30 centimètres un coup de pinceau plat et large de 5 centimètres. C’est son assurance contre l’angoisse d’un deuxième acte de création à venir. C’est vraiment emmerdant à voir.
Opalka (2) de 1965 à sa mort en 2011, a voulu matérialiser le temps qui passe par la peinture ; sur chacune de ses toiles, une suite de nombre s’inscrit. C’est vraiment anxiogène à regarder.
Chère lectrice et cher lecteur ; vous avez sans doute une méthode personnelle pour éviter ces périodes de creux, ces semaines de dépressions, ces mois d’anxiété. Nous vous comprenons.
Pas facile d’accepter la loi des séries.
Les séries de hauts et de bas.
Pas facile d’accepter ce difficile « métier de vivre ». (3)
Certains trompent l’ennui en se faisant serial killers. Ils allongent la liste de leurs victimes, en faisant toujours les mêmes gestes, en pratiquant toujours les mêmes rituels. Que se passe-t-il donc dans la cervelle de ces sérialistes qui vivent leur vie à tombeaux ouverts…
(1) Niele Toroni, né à Muralto en 1937. Artiste suisse, fait partie des artistes minimalistes.
(2) Roman Opalka, (1937 – 2011) est un artiste franco-polonais, faisant partie de l’art conceptuel.
(3) Titre du Journal de Cesar Pavese, 1908 – 1950, retrouvé dans sa chambre d’hôtel le jour de sa mort.
Photographie : couverture de la monographie de Nicole Gaulier, éditée aux éditions Area, Paris, 2003.
La traversée de ce serpent de mer de béton et de fer me maintient en Scandinavie, je change de rive et de pays, je passe sous la Baltique…je ne filerai pas vers le nord, vers la Norvège, ce beau pays de neige ; l’or noir des plateformes off - shore y cohabite avec le froid et la blancheur des terres ; un territoire black and white à goûter une prochaine fois. Texte intégral
Pour cette 45ème édition, la FIAC est placée sous le signe de la sagesse. Des œuvres pures, efficaces, synthétiques, muséales pour la plupart, éprouvées par le temps, défendues par des galeristes tels que Perrotin, Kamel Mennour, Loevenbruck, Templon, Lelong, Obadia, Thaddeus Rappac. Texte intégral